CE N’EST PAS ENCORE le rapport définitif commandé en janvier par Nicolas Sarkozy au Dr Michel Legmann, président du conseil national de l’Ordre des médecins. Mais le document d’étape d’une vingtaine de pages transmis aux 16 membres « refondateurs » de cette mission (élus, praticiens libéraux, personnalités et experts qualifiés) et intitulé « définition d’un nouveau modèle de la médecine libérale » présente une batterie de propositions censées redorer le blason d’un exercice libéral fui par les jeunes générations.
Passé un état des lieux préoccupant, qui met l’accent sur la répartition inégale des effectifs, la concentration de l’activité médicale dans les pôles urbains avec CHU, le vieillissement, la féminisation et les raisons de la « crise » d’attractivité de la médecine libérale, le prérapport se penche sur les remèdes en distinguant trois axes : la formation ; l’installation ; les conditions d’exercice. Une ordonnance qui devrait inspirer la concertation annoncée sur la médecine de proximité.
• Formation : donner goût à la médecine de ville
Deux problèmes majeurs sont identifiés : le gâchis humain de fin de première année et le manque de préparation des carabins à l’exercice libéral. Sur le premier point, la mission suggère une « meilleure adéquation entre le profil des étudiants et la nature du métier médical » grâce à un « contact personnalisé » entre les enseignants et les futurs carabins avant l’inscription. Une façon d’opérer un premier tri…
La formation initiale serait, elle, remaniée. La mission recommande de rendre obligatoire dès la fin du premier cycle, en PCEM 2, un stage de découverte de la médecine libérale de « deux mois » (ce type de stage existe mais plus tard, moins long et non systématique). Il est également proposé d’intégrer l’enseignement de la médecine générale dès le deuxième cycle. Les formations théoriques seraient axées sur les « maladies prévalentes et grands processus pathologiques » plutôt que sur les contenus pointus. Côté pratique, la mission suggère des stages systématiques en ville (cabinet, maisons de santé, centres de santé et réseaux). Au troisième cycle, la mission juge nécessaire d’agréer un nombre suffisant de terrains de stage « en milieu ambulatoire » ce qui suppose une valorisation des médecins libéraux qui encadrent les étudiants (statut , rémunération). En fin de troisième cycle, les aspirants à l’exercice libéral devraient bénéficier d’un « module de formation aux matières juridiques et à la gestion », ajoute le rapport. La fonction de remplaçant ferait l’objet d’un encadrement particulier et ces médecins pourraient utiliser des feuilles de soins personnalisées. Quant au développement de la filière universitaire de médecine générale (FUMG), il mérite d’être « conforté et amplifié ».
Autre difficulté : l’absence de perspective d’évolution du médecin libéral installé. « Il convient d’envisager un profil de carrière », peut-on lire. La mission propose de faciliter les changements d’activité et de restaurer la notion de « compétences ». Cela pourra permettre aux médecins généralistes de compléter leur activité « par des actes relevant de la médecine du sport, de la gériatrie ou de la médecine du travail ».
• Installation : guichet unique, capacité d’initiative et incitations fortes
Les recommandations de la mission s’inscrivent dans la droite ligne de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires). L’installation « reste un moment difficile », redouté, donc repoussé, diagnostique le rapport. Rien n’y prépare. Il faut faciliter l’entrée dans la carrière libérale.
Pour cela, la mission appelle de ses vux sans délai le guichet unique régional (prévu par la loi Bachelot) placé « sous la responsabilité de l’Ordre » en partenariat avec les ARS et l’Université. Le futur médecin libéral y trouverait une information personnalisée, des renseignements sur l’organisation du système de soins, la densité, les besoins locaux, la PDS… Ce guichet éclairerait le jeune médecin sur les démarches, formalités ou encore la protection sociale.
Autre suggestion : augmenter la capacité d’initiative des médecins de terrain. Il s’agirait pour des praticiens libéraux de pouvoir proposer aux ARS une organisation territoriale permettant de conduire un projet de santé avec protocoles ad hoc. Des médecins seraient désignés « chefs de projet ». Pour la mission Legmann, accorder davantage d’autonomie peut « réactiver les motivations » des libéraux.
Dans le même esprit d’apaisement, la mission suggère de supprimer l’obligation de déclaration des congés, procédure issue de la loi Bachelot vécue comme « vexatoire ». Et toujours dans la même veine, elle recommande de supprimer le fameux contrat santé solidarité « en raison de son caractère résolument coercitif qui le rend peu opérationnel » (ce mécanisme est censé obliger les médecins des zones surdenses à prêter main-forte à des confrères en zones fragiles, pénalité à la clé). La mission estime que la couverture médicale serait mieux garantie par « des mesures incitatives fortes » comme des « avantages financiers significatifs » (primes, exonérations fiscales…)en cas d’engagement de longue durée dans ces zones .
Côté moyens, une proposition forte : il est suggéré que le secteur ambulatoire, au titre de sa mission de service public, puisse accéder à l’enveloppe hospitalière destinée aux MIGAG (missions d’intérêt général).
• Conditions d’exercice : regroupement, nouveaux métiers et diversification
Pour moderniser l’exercice, la mission explore une demi-douzaine de voies. Il convient de favoriser toutes les formes de regroupement (SEL, SCP, SCM, maisons de santé…) sans forcer la main de ceux qui veulent poursuivre une activité isolée. Cela passe par des mesures de simplification du parcours de soins, de partage des informations médicales, d’exercice sur un même plateau technique…
La mission préconise aussi de créer des « plateformes de services » permettant de mutualiser les moyens des acteurs ambulatoires. Objectif : la mise à disposition de services variés – télémédecine, consultations avancées pluridisciplinaires, locaux… – et des lieux d’interface public/privé.
La mission milite aussi pour la création de nouvelles professions permettant au médecin de regagner du temps médical : l’ « assistant de santé » auquel seraient déléguées des tâches administratives, médico-sociales ou paramédicales ; et le « coordonnateur d’appui » chargé de faire le lien entre les professionnels médicaux et sociaux, la ville et l’hôpital.
Autre priorité : les systèmes d’information et les échanges sécurisés. Une « aide de l’État serait utile », peut-on lire. La pratique de la télémédecine, notamment en milieu rural, doit être soutenue. Pour la mission, « il s’agit d’un acte médical qui devra faire l’objet d’une rémunération ».
La mission s’attarde également sur la protection sociale des libéraux et notamment des femmes médecins, un régime « peu protecteur » qu’il convient d’améliorer (exemple : le délai de carence avant le versement d’IJ maladie est de 90 jours ce qui est très dissuasif…). De même le régime maternité reste « moins attractif » que celui des femmes salariées. La mission émet l’hypothèse d’une majoration de l’allocation forfaitaire de repos maternel. Enfin, il est suggéré d’ouvrir une réflexion sur la spécificité des médecins libéraux en matière de régime de retraite.
Last but not least, la mission plaide (comme la CNAM) pour une diversification des rémunérations. Le paiement à l’acte exclusif « n’est plus adapté ». Une nouvelle architecture est proposée en trois niveaux : paiement à l’acte (avec hiérarchisation des consultations) ; échelon de forfaits (activités, pathologies spécifiques) ; et part de rémunération (à la performance ?) encourageant le respect des bonnes pratiques. La diversification des activités est également souhaitée en valorisant le statut des médecins attachés et en étendant la possibilité d’exercice mixte libéral et salarié.
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