Ils ont entre 18 et 21 ans, et ont entamé en septembre dernier leur première année en parcours spécifique accès santé (PASS). Une année qu’ils imaginaient éprouvante. « Mais je ne m’attendais pas à être autant maltraitée », confie Aglaé, étudiante à Bordeaux.
Avec des cours entièrement à distance, « je n’ai eu aucune interaction sociale avec les autres étudiants », regrette la jeune fille pourtant très sociable, qui passe des dizaines d’heures par jour devant des cours vidéo. En novembre, alors qu’elle découvre petit à petit les contingences de la réforme, Aglaé fait un burn-out. « Je ne mangeais plus, j’ai pleuré pendant un mois, pris des somnifères… Nous avons envoyé plusieurs mails d’alerte à la fac, sans réponse ».
Même son de cloche du côté de Margaux, étudiante PASS à la faculté de Bobigny. « Le début d’année a été catastrophique, nous avons subi les conséquences d’un manque flagrant d’anticipation. Certains professeurs ne connaissaient même pas les filières ! ». L’étudiante parisienne a choisi délibérément la fac de Bobigny, réputée pour son penchant plutôt biologique que physique. Margaux opte donc naturellement pour une mineure science de la vie, « mais à la rentrée j’ai découvert qu’il s’agissait surtout de mathématiques, physique et thermodynamique… » Une semaine avant l’examen du premier semestre, elle apprend que les règles du jeu ont changé : les QCM ont disparu au profit de « dossier progressifs » avec questions ouvertes. « Nous ne nous étions jamais préparés à ça dans les annales ». Seconde surprise, l’examen se déroulera finalement sur tablette. « La mienne s’est éteinte en plein milieu d’épreuve », raconte-t-elle.
« Je n’ai plus aucune chance de réussite »
Entre la mineure, la préparation de l’oral et le programme de santé, cette année, le programme des PASS est (sur)chargé. « Pour moi c’est un double cursus, j’ai 50 heures de cours de ma mineure, et 150 heures de plus au total que les PACES », se désole Aglaé. À Bordeaux, de nouvelles matières ont été ajoutées au programme de l’année dernière. « Anglais, thermalisme, intelligence artificielle… Je dois avoir 10/20 dans chacune d’entre elles pour valider mon année », raconte l’étudiante bordelaise. Julien, à Aix en Provence, confirme : « Le programme de l’année dernière a été compressé sans être allégé. Pour 70 % de mes cours, le temps de travail a été divisé par deux à contenu égal ».
Tous confient n’avoir que peu, voire pas du tout, révisé leur mineure, faute de temps. Lise, étudiante à Montpellier a opté pour le droit. « Je me suis mise dans les cours de droit une semaine avant l’examen ». Margaux, pour sa part, apprend que les épreuves de sa mineure de science de la vie auront lieu une semaine avant l’examen du second semestre. « Je n’ai pas pu réviser. Je sais désormais que je n’ai plus aucune chance de réussite, car la note est éliminatoire dans ma fac », se désole-t-elle.
« Marche ou crève »
Alors que les jeunes préparent leur examen du second semestre, l’annonce du nombre de places attribuées en deuxième année frappe comme un ultime coup de massue. « J’étais dégoûtée, je ne savais même plus si je devais continuer à travailler ou pas », confie Lise. À Montpellier, le numerus apertus tombe en février 2021. « Jusqu’à la fin, on nous a laissés penser qu’il y aurait environ 300 places pour les PASS ; finalement il y a 160 places », détaille l’étudiante, qui pensait valider sa première année haut la main.
À Bobigny, même désillusion. « 10 % de la promo a abandonné, ça a été le choc », se souvient Margaux, qui s’accroche malgré tout. « C’est marche ou crève… Nous n’avons même pas eu accès à notre classement ». Et, pour les plus chanceux d’entre eux éligibles à l’oral, c’est le flou total. « C’est l’apothéose, je ne sais même pas en quoi va consister l’oral, alors qu’il compte pour 30 % de mon classement. On a juste reçu des vidéos de quelques minutes, qui nous apprennent comment nous tenir ou nous habiller », raconte Julien. À 21 ans, l’Aixois sort de trois ans d’études de cinéma. « La réforme était censée diversifier les profils des étudiants en médecine, mais j’ai peur que mon profil atypique joue finalement en ma défaveur », s’inquiète-t-il.
Avenir en pointillé
La déception est totale et le futur incertain. « Nous sommes la génération sacrifiée, on a essuyé les pots cassés », regrette Margaux. « Mon seul espoir aujourd’hui c’est qu’on m’accorde un redoublement », ajoute Lise, « car je ne suis même pas sûre d’être prise en L.AS de droit car il n’y a que 35 places pour 135 inscrits ». À Bordeaux, Aglaé se retrouve, elle aussi, sans solution : « Il n’est pas possible de compenser dans ma fac. Une seule note en dessous de 10/20, quelle que soit la matière est éliminatoire pour le passage en deuxième année mais aussi pour accéder en L.AS2 ».
Nombre d'étudiants songent à un départ à l’étranger. « Je n’ai jamais envisagé faire autre chose de ma vie que pédiatre. Je suis en train de passer les concours en Belgique et la moitié de ma promo fait la même chose », se désespère Margaux, « dégoûtée par le système français ». Pour Lise, ce seront des études en dentaire en Espagne : 18 000 euros pour l’ensemble du cursus, que la jeune femme financera en travaillant cet été dans la restauration et en supermarché.
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