L’incidence de la maladie d’Alzheimer (MA) évolue toujours à la hausse. C'est ce que souligne le Pr Pierre Krolak-Salmon, neurologue et gériatre aux Hospices civils de Lyon en citant les données de l’étude de cohorte de Monzino. Cette étude en population générale, qui suit depuis 2002 plus de 1 300 personnes âgées de plus de 80 ans, montre que la maladie ne fait que croître avec l’âge, avec une augmentation de près de 8 % par an, les femmes étant plus touchées que les hommes.
Des freins au repérage des patients en médecine générale persistent, probablement liés à la méconnaissance des bénéfices d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge adaptée (sécurisation du patient, annonce de la maladie, anticipation…). Le parcours de soins constitue un autre écueil, ce qui a conduit à mettre en place une stratégie nationale graduée de repérage et de diagnostic des troubles cognitifs, qui vise à mieux identifier les patients les plus à risque devant être adressés pour un bilan spécialisé. Ce parcours reconnaît le stade de troubles cognitifs légers.
Des signes avant les troubles cognitifs légers
La MA connaît une évolution nosologique, avec désormais la notion émergente de plainte cognitive subjective, qui précéderait le stade de troubles cognitifs légers. Dans son travail publié récemment dans le « Lancet Neurology », Frank Jessen distingue trois situations (1). En premier lieu, la plainte réversible, qui découle d’une situation psychiatrique ou somatique générale altérant de façon transitoire la réserve cognitive (dépression, anxiété, insuffisance cardiaque…). Ensuite une plainte due au vieillissement physiologique, qui réduit la capacité attentionnelle. Et enfin, une plainte qui s’accentue et évolue vers le déficit cognitif léger, et potentiellement à terme vers une MA. Les troubles de la mémoire durables chez ces sujets de plus de 60 ans induisent une demande d’évaluation médicale du patient, parfois de son entourage.
Autre entité : les « Suspected non-Alzheimer's disease pathophysiology » (SNAP), qui sont des troubles neurocognitifs compatibles cliniquement et radiologiquement avec une MA, mais sans confirmation par les marqueurs et sans signe évocateur d’une autre pathologie. Ces troubles, marqués par une évolution beaucoup plus lente que la MA, concerneraient de 25 à 30 % des personnes de plus de 80 ans. « Ainsi, en cas d’approche basée uniquement sur la clinique et l’imagerie, il faut être prudent sur le diagnostic et sur le pronostic qui en découle », a insisté le Pr Krolak-Salmon.
Traitements continus dans la maladie de Parkinson
Autre maladie neurodégénérative dont l’incidence augmente : la maladie de Parkinson, dont le pic de survenue est beaucoup plus tardif que classiquement admis, vers 75/80 ans. Le traitement symptomatique est très axé sur les troubles moteurs et se fonde sur des stratégies de remplacement de la dopamine, qui sont associées à des fluctuations motrices et des dyskinésies. Aux stades avancés, après 8 à 10 ans d’évolution, pour améliorer l’équilibre sur le plan moteur, se discutent aujourd’hui des traitements continus : apomorphine sous-cutanée, gel intestinal de levodopa-carbidopa, voire stimulation cérébrale profonde.
Les indications précises sont aujourd’hui débattues, mais ces approches s’adressent plutôt à des patients ayant un traitement à prises multiples (5 fois/jour voire davantage), avec des périodes « on-off » importantes et des dyskinésies non contrôlées.
Les dyskinésies et la dépression résistante sont de bonnes indications de l’apomorphine sous-cutanée en continu et du gel intestinal de lévodopa-carbidopa, qui sont contre-indiqués en cas de troubles du comportement, de troubles psychotiques ou des conduites mais aussi d’hypotension orthostatique. La stimulation cérébrale profonde s’adresse plutôt à des patients ayant des fluctuations motrices et non motrices et des dyskinésies majeures entraînant chutes et amaigrissement. « Les neurologues et les gériatres ne doivent ainsi pas hésiter à solliciter les centres experts Parkinson, qui sont au nombre de 25 en France », a indiqué le Pr Marc Verny, neurologue et gériatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP).
D’après les communications des Prs Pierre Krolak-Salmon (Lyon) et Marc Verny (Paris).
(1) Jessen f et al. Lancet Neurol 2020 Mar;19(3):271-278.
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