« Il faut vraiment faire attention parmi les annonces un peu spectaculaires qu’on voit dans certains congrès. Je pense notamment à celles qui concernent certains médicaments visant à traiter l’apnée du sommeil. Ces dernières années, on a vu pas mal de communications un peu alléchantes, mais toujours sur des effectifs très réduits de patients. Et, pour l’instant, on ne voit pas émerger de molécules vraiment capables de concurrencer la pression positive continue (PPC), estime le Dr Marc Sapène, responsable du pôle sommeil de la clinique Bel Air à Bordeaux et président d’Alliance apnée du sommeil. La PPC est un traitement extraordinairement efficace et globalement très bien toléré par les patients. On a des niveaux d’observance d’au moins 70 % : bien supérieurs à ce qu’on peut avoir pour les traitements de l’asthme ou de l’HTA. »
Cependant, environ 12 % des patients continuent à présenter de somnolences résiduelles, malgré la PPC. « Dans certains cas, il s’agit de patients qui ne sont pas suffisamment observants. Quand on règle ce problème, il reste quand même environ 6 % des patients sujets aux somnolences. Cela fait quand même du monde, souligne le Dr Sapène. Surtout, ce sont patients à risque pour la circulation routière ou dans certains métiers (grutiers, chauffeurs routiers, conducteurs de trains, etc.). »
Tolérances à surveiller
Les pneumologues disposent aujourd’hui de deux médicaments pour traiter ces somnolences résiduelles. Le premier est le solriamfetol (Sunosi), indiqué pour améliorer l’éveil et réduire la somnolence diurne excessive (SDE) chez des patients adultes atteints de narcolepsie, ou chez des patients adultes présentant un syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS). Il s’agit d’un sympathomimétique d’action centrale. « C’est un médicament efficace mais qu’il faut utiliser avec une certaine prudence, en particulier chez les patients ayant des problèmes cardiovasculaires ou psychiatriques », prévient le Dr Sapène.
Le deuxième médicament est le pitolisant (Ozawade), un antagoniste/agoniste inverse puissant du récepteur H3 de l’histamine, actif par voie orale. En bloquant ces récepteurs, il renforce l’activité des neurones histaminergiques cérébraux, un système d’éveil majeur dont les projections s’étendent sur l’ensemble du cerveau. « Là aussi, c’est une molécule très intéressante, à utiliser avec précaution chez les patients anxieux, bipolaires ou dépressifs. Il faut aussi faire preuve de vigilance sur le plan cardiovasculaire même si le produit est mieux toléré que le solriamfetol », indique le Dr Sapène.
Insomnie : cap sur l’éveil
L’autre grande attente des pneumologues, dans le domaine du sommeil, concerne la prise en charge de l’insomnie chronique, qui dure depuis plus de trois mois. « La plupart des insomniaques ont une stimulation de l’éveil. Des médicaments prometteurs sont développés : ils coupent l’éveil, en agissant sur une protéine, l’orexine, explique le Dr Sapène. Il s’agit de produits intéressants car ils conservent l’architecture du sommeil sans apporter atteinte au sommeil profond. » On peut citer le daridorexant (Quviviq) qui devrait bientôt obtenir son autorisation de mise sur le marché (AMM).
Exergue : « On ne voit pas émerger de molécules vraiment capables de concurrencer la pression positive continue »
Entretien avec le Dr Marc Sapène, responsable du pôle sommeil de la clinique Bel Air à Bordeaux et président d’Alliance apnée du sommeil