Accusé d’avoir consulté sans raison le dossier vaccinal de Macron, un généraliste prêt à en découdre devant l’Ordre

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Publié le 18/06/2022

Crédit photo : Phanie

Le Dr Michaël Rochoy a-t-il été trop curieux, au point d'enfreindre le code de déontologie médicale ? Le généraliste installé à Outreau risque une sanction ordinale pour avoir consulté à deux reprises, à l’été 2021, le dossier vaccinal d’Emmanuel Macron. Son cas sera examiné prochainement par la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’Ordre des Hauts-de-France. Le médecin a déjà été reçu lors d’un « entretien confraternel » au mois de décembre dernier. Il y a quelques jours, il a fait parvenir à l’instance son mémoire en défense.

« Je suis très serein, confie-t-il au "Quotidien". J’irai à l’audience pour démontrer que je n’ai rien fait de répréhensible sur le plan déontologique. » Au contraire, le Dr Rochoy explique qu’il souhaitait à l’époque alerter sur le fait que les dossiers vaccinaux accessibles à tous les professionnels de santé n’étaient pas sécurisés… y compris celui du président de la République. « Imaginez qu’une personne mal intentionnée mette la main sur ces informations et divulgue des listes de personnalités non vaccinées… », justifie le généraliste.

À l’époque, il s’offusque également des réticences et des tergiversations des autorités à communiquer aux médecins la liste de leurs patients non vaccinés. « C’était ridicule puisque tout était déjà accessible comme je l’ai démontré en consultant le dossier vaccinal d’Emmanuel Macron », relève-t-il. Les médecins pourront finalement officiellement demander la liste de leurs patients non vaccinés au cours du mois de juillet, « un peu tard », estime le Dr Rochoy qui s’était activement investi dans la lutte contre l'épidémie depuis 2020, notamment au sein du collectif « Stop Postillons ».

Imbroglio sur la date de vaccination du Président

Le médecin a-t-il malgré tout violé le secret médical et enfreint les règles déontologiques ? « Emmanuel Macron s’était exprimé pour dire qu’il était vacciné. J’ai donc consulté une information qui était déjà publique et que je n'ai divulguée à personne ! Je me doutais bien que je ne trouverais pas d’information sensible sur la santé du président en consultant son statut vaccinal. Peut-on parler de violation du secret médical dans ces conditions ? », s’interroge le Dr Rochoy.

Au passage, le médecin fera une drôle de découverte : le dossier mentionne que le président a été vacciné le 13 juillet, et non pas le 31 mai comme officiellement annoncé. « J’ai alerté l’Élysée le soir même de cette découverte, assure le Dr Rochoy qui n'a informé personne d'autre. J’ai pensé que c’était une erreur de saisie, mais que quelqu’un aurait pu s’en servir. »

C’est d’ailleurs ce qui se produit un peu plus d’un mois plus tard, Mediapart ayant visiblement eu connaissance de cette incohérence de date, sans doute avec la complicité d’un professionnel de santé. « Imbroglio autour de la vaccination de Macron », écrit le journal en ligne le 26 août 2021. C’est à cette occasion que le Dr Rochoy consulte une seconde fois le statut vaccinal de Macron. Il constate alors que l’erreur qu’il avait signalée n’a pas été corrigée. L'Élysée évoquera peu après un problème de saisie.

Une centaine de professionnels pris en flagrant délit

L’article de Mediapart fait boule de neige. L’Assurance-maladie dresse une liste d’une centaine de professionnels ayant accédé au dossier du Président, date et heure de consultation à l’appui. Le conseil de l’Ordre s’en saisit. Des médecins, dont le Dr Rochoy, sont sermonnés dans un courrier rendu public au mois de septembre.

Près d’un an plus tard, le généraliste d’Outreau va devoir s’expliquer devant la justice ordinale. Ce qui n’est pas pour lui déplaire… Il compte profiter de cette audience pour pointer un dysfonctionnement, autrement plus important selon lui. « Tous les jours, les assureurs nous demandent de violer le secret médical en demandant les antécédents médicaux de nos patients dans le cadre de procédures d’indemnisation, détaille le Dr Rochoy. Cela fait des années que j’alerte par courrier l’Ordre. J’ai même écrit au procureur de la République. » Depuis, rien ne bouge, déplore le médecin.


Source : lequotidiendumedecin.fr