Non-respect de la nomenclature, actes fictifs, fausses prescriptions : la Cnam relance et intensifie la chasse aux fraudeurs

Publié le 30/09/2022
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Crédit photo : S.Toubon

Dans le collimateur des politiques – le Parlement a adopté cet été le principe de la carte Vitale biométrique –, la lutte contre la fraude a été également relancée, cette année, par l'Assurance-maladie après avoir été ralentie par la crise Covid. À la fin du mois de juin dernier, ce sont « 111,7 millions euros » de préjudices financiers qui avaient été détectés et effectivement stoppés soit 20 % de plus que le premier semestre de l'année précédente, a annoncé ce vendredi le directeur général de l'Assurance-maladie, présentant un bilan de ses actions.

Au plus fort de la crise sanitaire, la mobilisation des agents sur le contact tracing, l'impossibilité de convoquer assurés et professionnels et la suspension de certains contrôles (notamment de la tarification à l'activité à l'hôpital qui, de toute façon, bénéficiait de la garantie de financement) avaient ralenti en 2020 et 2021 la politique de lutte contre la fraude de la Cnam.

Les professionnels de santé sont toujours à l'origine des deux tiers de la fraude identifiée et stoppée. Chaque profession est passée au crible, même si « la fraude est le fait d'une petite minorité », a déclaré Thomas Fatôme, DG de l'Assurance maladie. « Notre stratégie est d'être présent sur toutes les typologies de fraudes et sans prioriser tel ou tel acteur, explique le patron de la Cnam. De fait, la fraude que nous détectons se concentre chez les professionnels de santé, ce qui est logique puisque ce sont eux qui génèrent d'abord la dépense. »

Médecine générale : environ 200 millions/an de préjudice estimé

Les principaux griefs portent sur le non-respect de la réglementation ou de la nomenclature, les actes fictifs ou les fraudes à la prescription. Et les deux tiers des montants des préjudices détectés sont portés par les infirmières libérales, les pharmaciens, les fournisseurs de produits ou de matériel de santé et les transporteurs.

Pour les médecins spécialistes, le montant total s'élève à 14 millions d'euros en 2021 (vs cinq millions en 2020 et neuf en 2019) et pour les généralistes à six millions d'euros en 2021 (vs également cinq millions en 2020 et neuf en 2019).

Mais pour les généralistes, la Cnam s'est livrée à un exercice d'extrapolation à partir des données de 2018 : sur les 95 millions d'euros de remboursements contrôlés, quatre millions étaient abusifs ou frauduleux. Une somme qui correspond à un taux de préjudice financier (après redressement statistique) évalué entre 3,1 et 3,5 %, soit entre 185 et 215 millions d'euros/an sur l'ensemble des remboursements de médecine générale. 

En nombre de dossiers traités, l'abus ou le détournement de prestations en nature reste marginal (3 %) tandis qu'arrivent en tête les prestations fictives et facturations multiples frauduleuses (34 %) et le non-respect de la réglementation ou de la nomenclature (29 %).

Dans un environnement conventionnel et tarifaire très complexe, ces situations ne procèdent pas forcément de la malhonnêteté. L'Assurance-maladie l'admet à demi-mot puisqu'elle a mis en place, depuis septembre 2021, pour les infirmières libérales nouvellement installées, des formations à la cotation. « Des contrôles à blanc sont ensuite effectués quatre mois plus tard, explique Thomas Fatôme. Ceux-ci mettent en évidence 16 % de factures en anomalie soit 9 % de la dépense ». De nouveaux contrôles, 12 mois après l'installation, sont à nouveau réalisés et les sanctions peuvent alors tomber. La Cnam souhaite étendre à terme ce dispositif « d'accompagnement » des nouveaux installés aux autres professionnels, en commençant l'année prochaine par les kinés.

Gros bonnets

Sur le versant des contrôles, la Cnam continue de se doter de nouveaux outils informatiques de ciblage des professionnels fraudeurs.

Elle a également mis en place à l'automne 2020 des « task forces nationales » pour attraper les « gros bonnets » de la fraude. Ces équipes ont pu coordonner les contrôles de plusieurs centres ophtalmologiques appartenant à un même réseau. « 26 plaintes pénales ont été déposées à l'encontre de 12 centres pour un préjudice financier calculé à plus de 7 millions d'euros » se félicite Thomas Fatôme. Certains centres pourraient faire l'objet d'un déconventionnement rapide, procédure que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2023) devrait encore étendre.

Au total, 7 857 actions contentieuses ont été engagées en 2021 dont 2 341 plaintes pénales et signalements au procureur et 2 203 pénalités financières prononcées par les directeurs de caisse primaire.

S'agissant des assurés cette fois, l'Assurance-maladie relance la chasse aux abus d'arrêt maladie, mise en pause pendant la crise Covid. Seront particulièrement dans son viseur : les arrêts itératifs de courte durée d'assurés qui ne sont pas en ALD et les arrêts pour les deux principaux motifs que sont les dorso-lombalgies et les syndromes anxio-dépressifs.

Le mythe des 7 millions de cartes Vitale surnuméraires

Pour lutter contre les trafics de médicaments, la Cnam mise sur la prescription électronique qui deviendra obligatoire d'ici à la fin de 2024 pour les médecins.

Le déploiement de la carte Vitale sur smartphone, initialement prévu au mois d'octobre, sera effectif avec quelques semaines de retard. Cette nouvelle appli intégrera des « éléments de biométrie » au moment de l'identification de l'assuré, a fait valoir Thomas Fatôme. Il rappelle au passage que le chantier de la carte Vitale biométrique, obtenue dans la loi par les sénateurs de droite, est pour l'instant suspendu aux conclusions de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), missionnée par le ministre de la Santé.

Enfin, il n’y aurait, selon le directeur général, plus aucun écart entre le nombre d'assurés sociaux et le nombre de cartes Vitale activées en circulation. La Cnam a en effet mis les bouchées doubles depuis cinq ans pour éliminer les cartes surnuméraires. Très loin du chiffre souvent brandi de sept millions de cartes Vitale en trop, Thomas Fatôme dit en avoir compté tout juste 3 250 « dont aucune pour le régime général ».


Source : lequotidiendumedecin.fr