Débaucher des confrères une semaine par an pour combler les déserts ? L’idée (pas si) utopique de Médecins Solidaires

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Publié le 24/02/2023

Crédit photo : DR

Et si la solution aux déserts médicaux venait des médecins eux-mêmes ? Un collectif de généralistes a pris à bras-le-corps le problème de l’accès aux soins en proposant un modèle d’exercice basé sur la solidarité. Le principe ? Faire venir dans des centres de santé des médecins volontaires pour y exercer une semaine à tour de rôle. « Nous ne leur demandons pas de s’installer mais simplement de consacrer une semaine de leur agenda au centre », commente le Dr Martial Jardel, cofondateur du collectif Médecins Solidaires à l’origine de cette initiative originale.

Durant cette période, les candidats sont logés dans un « gîte de standing » et un véhicule est mis à leur disposition. Tout est pris en charge par l’association qui assure également les frais de transport jusqu’au lieu d’exercice.

« Nous mettons tout en place pour qu’il passe une bonne semaine », insiste le Dr Jardel. En échange, la rémunération est modeste, 800 euros nets pour la semaine de 35 heures, mais les candidats s’engagent avant tout pour participer à un projet solidaire, avance le généraliste. « C’est aussi l’occasion pour eux de sortir de leur routine, de travailler autrement. C’est très stimulant de découvrir de nouveaux patients sans en avoir la charge mentale sur le long terme. »

Quarante médecins volontaires dans le premier centre

Et ça fonctionne. À Ajain, dans la Creuse, où un premier centre a ouvert le 31 octobre dernier, quarante médecins se sont déjà portés volontaires. Il en faut 52 pour faire tourner le cabinet toute l'année. « Nous avons des inscriptions jusqu’au mois d’octobre prochain », détaille le Dr Jardel. Une quinzaine de généralistes a déjà rôdé le système, assistés par des coordinatrices qui assurent la partie administrative.

La qualité de l’exercice est une priorité : 20 à 25 consultations par jour, trois patients par heure, 40 minutes pour les patients chroniques lors du premier rendez-vous… « Nous avons conscience que la continuité des soins est un point de fragilité du dispositif, reconnaît le Dr Jardel. Nous voyons les patients pour la première fois, il faut prendre son temps pour remplir les dossiers, être encore plus méticuleux. Les confrères qui viennent en ont bien conscience. »

Au final, ce point faible peut aussi être un atout, espère-t-il. « Chaque confrère porte un regard neuf sur un dossier et redouble de vigilance. Ce qu’on leur demande, c’est de faire preuve d’une confraternité bienveillante qui fait qu’ils ne vont pas changer les traitements déjà prescrits parce qu’en médecine il n’y a pas qu’une seule vérité. »

Un appel aux confrères

Les généralistes passés par Ajain ont quasiment tous prévu de revenir, enthousiasmés par l’accueil des patients qui leur ont témoigné « beaucoup de reconnaissance », assure le Dr Jardel. En l’espace de quatre mois, 500 patients ont choisi le centre comme médecin traitant.

Le collectif Médecins Solidaires espère essaimer rapidement en ouvrant de nouveaux centres dans les communes touchées par la désertification médicale. Le Dr Jardel y croit dur comme fer.

Le jeune généraliste s’était distingué en 2021 en sillonnant la France à bord d’un camping-car pour effectuer des remplacements. C’est à ce moment, au contact des déserts médicaux, que l’idée a germé. « Je me suis dit qu’on ne pouvait pas rester sans rien faire, qu’il fallait que les médecins soient force de proposition », confie le généraliste au « Quotidien ». Au même moment, l‘association Bouge ton Coq, déjà à l’origine de la création de 150 épiceries participatives, souhaitait s’attaquer au problème de l’accès aux soins dans les zones rurales. Leur rencontre a donné naissance à ce projet inédit en France.

« Il faut qu'il y ait une réponse solidaire des médecins à ce problème de l'accès aux soins. Je suis convaincu que de nombreux confrères sont prêts à s’engager si on leur propose un moyen d’action efficace », s'enthousiasme, le Dr Jardel, qui lance aujourd’hui un appel à le rejoindre dans cette « aventure collective ».

En savoir plus sur Médecins Solidaires sur leur site 


Source : lequotidiendumedecin.fr