Accès direct aux kinés : le cadrage de l'Igas pour faire passer la pilule aux médecins

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Publié le 12/05/2022
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Crédit photo : PHANIE

C'est une pomme de discorde entre (une partie au moins) du corps médical et les kinés, au point que le ministère de la Santé a dû saisir l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) préalablement à l'expérimentation, prévue dans le budget de la Sécu 2022, de l'accès direct aux kinésithérapeutes qui exercent dans une structure de soins coordonnés (maisons de santé pluridisciplinaires, centre de santé, équipes de soins primaires…). Pour que ça marche, l'inspection propose donc quelques « pré-requis » dans un rapport, rendu au ministre en février mais publié seulement cette semaine. La loi prévoit une expérimentation dans six départements français et pour une durée de trois ans maximum. Les modalités de sa mise en œuvre devront encore être précisées par un simple décret pris après l'avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et celui de l’Académie nationale de médecine.

L'Igas rappelle que l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes poursuit deux
principaux objectifs : dégager du temps médical pour les médecins prescripteurs et raccourcir les délais d’accès à ces professionnels afin de limiter les pertes de chances pour le patient. Dans le débat, la question récurrente est de définir « le périmètre des consultations où le recours à un médecin est inutile ou à faible valeur ajoutée ».

Pas de consensus

Dans ce domaine, la mission note, sans surprise, qu'il n'y a pas de « consensus entre les deux professions concernées ». Pour la plupart des représentants des médecins, « un diagnostic médical doit précéder l’intervention du masseur-kinésithérapeute, en raison du risque que des pathologies ne soient pas repérées et au nom de la continuité du parcours de soins ». Par ailleurs, souligne l'Igas, pour de nombreux médecins auditionnés, l’allègement de la file active du médecin devait prioritairement cibler d’autres enjeux (certificats divers, traitement de pathologies bénignes - cystite de la femme enceinte, conjonctivites, dépistage du streptocoque par écouvillon en cas de suspicion d’angine - dossiers pour les maisons départementales des personnes handicapées).

Les représentants des structures d’exercice coordonné, eux se sont montrés davantage favorables à cette évolution, à condition que l'accès direct soit mis en œuvre « dans le cadre d’équipes coordonnées structurées, utilisant des systèmes d’information partagés ». De leur côté, les kinés veulent défendre bec et ongles cette évolution qui « peut intervenir sans surcoût pour l'Assurance-maladie et sans risque pour la santé du patient, les professionnels étant formés ». « Dès lors que la pathologie ne présente pas de caractère de gravité et que les soins kinésithérapiques sont adaptés et recommandés pour les symptômes, une intervention en premier recours est un gage de rapidité d’accès aux soins », rapporte l'Igas.

Face à ces « distorsions d'appréciation », elle ne peut pas s'appuyer sur les enseignements de deux protocoles nationaux de coopération qui autorisent l’accès direct au masseur-kinésithérapeute pour la prise en charge de la douleur lombaire aiguë inférieure à quatre semaines et de l'entorse pour fonder son avis. En effet, ces protocoles peinent à se déployer en raison notamment de leur complexité. Malgré cela, la mission a formulé 18 recommandations.

Avis scientifiques et prérequis

Pour que l'expérimentation se déploie, la mission préconise par exemple de saisir sans délai la Haute Autorité de santé (HAS) de questions précises visant à déterminer le périmètre d’activité (profils de patients, types de pathologies) pouvant faire l’objet de soins de masso-kinésithérapie en accès direct sur des fondements scientifiques ainsi que les conditions de mise en œuvre de ces soins (ex. nombre de séances).

Sur les conditions de remboursement des soins réalisés en accès direct, des discussions avec l’Assurance-maladie devront être engagées. « Il pourrait être envisagé que le remboursement par l’Assurance-maladie soit limité à un nombre déterminé de séances, à l’image des 14 situations de rééducation actuellement soumises à référentiel, afin de limiter les risques de non-pertinence des soins, d’éviction des patients adressés par les médecins et d’inflation de la dépense remboursée par l’Assurance maladie », peut-on lire dans le rapport.

D'autres prérequis sont aussi nécessaires avant toute expérimentation comme la formation « ciblée sur l’exercice en autonomie, et validée dans le cadre du développement professionnel continu et de la future certification périodique » des kinés, « une communication et une information aux patients sur la mise en place de cette nouvelle modalité du parcours de soins » ou encore le partage d’informations entre les deux professions. Dans ce cadre, l'article 73 de la loi de financement de la Sécu pour 2022 prévoit qu'un bilan initial et un compte rendu des soins réalisés par le masseur-kinésithérapeute soient adressés au médecin traitant et reportés dans le dossier médical partagé (DMP). L'Igas recommande de fait de « s’assurer que chaque structure et chaque professionnel qui expérimente disposent d’un outil de communication adapté, souple et réactif, en s’appuyant sur les outils déjà développés en région ».

 


Source : lequotidiendumedecin.fr