En Bretagne, OncoBreizh épaule les généralistes face aux cancers de la peau

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Publié le 21/10/2022
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Une équipe de dermatologues libéraux procède à des télé-expertises rapides pour les suspicions de cancers cutanés. Dans une région frappée par la pénurie médicale, le réseau Oncobreizh a déjà permis 1 300 avis demandés par des généralistes.
Le généraliste prend la photo de la lésion et l'envoie via l'appli aux dermatologues du réseau

Le généraliste prend la photo de la lésion et l'envoie via l'appli aux dermatologues du réseau
Crédit photo : DR

« La pénurie de spécialistes est telle que les délais de rendez-vous sont d’au moins six mois chez les dermatologues bretons. C’est beaucoup trop lorsqu'on suspecte un cancer de la peau chez un patient ! Et la Bretagne est particulièrement concernée par ce cancer », explique la Dr Nicole Jouan, dermatologue à Brest, qui a lancé OncoBreizh Télédermato en 2021 avec sa consœur, la Dr Nicole Cochelin de Rennes. Ce réseau de dermatos bretons assure depuis un an des actes de télé-expertise en cancérologie.

En Bretagne, la dermatologie est la spécialité dont l’accès est le plus difficile à cause d’une démographie en déclin. Or, les tumeurs cutanées sont fréquentes dans cette région pour plusieurs raisons : phototypes clairs de peau et surexposition aux UV. D'où un risque réel de perte de chance pour les patients. « En plus de cela, nous voulions éviter les avis donnés de manière sauvage par les smartphones ou par mails et utiliser les bonnes pratiques de télémédecine telles qu'elles ont été prévues par la HAS », explique la Dr Jouan. Le réseau a donc mobilisé une équipe de 26 dermatologues libéraux répartis sur trois secteurs (Brest/Lannion, Lorient/Vannes, Rennes). Et il a déjà répondu à plus de 1 300 demandes d’avis en télé-expertise adressées par des médecins généralistes bretons.

70% de requêtes justifiées 

Le fonctionnement se veut simple. Le généraliste prend la photo de la lésion et l'envoie via l'appli aux dermatologues du réseau qui reçoivent un mail d’alerte. Le premier praticien disponible répond dans un délai établi à cinq jours ouvrés maximum – le délai moyen de réponse étant de 35 heures. L'outil utilise la plateforme sécurisée Omnidoc, support pour la réalisation des télé-expertises. Une fois l'acte clôturé, le spécialiste en conserve un PDF et répond à un questionnaire en ligne portant sur le diagnostic probable et la nécessité ou non d’une consultation physique.

Une enquête réalisée en 2022 auprès des généralistes concernés montre que cette plateforme de mutualisation des demandes en cancérologie cutanée fait ses preuves. Sur 289 actes effectués, 70 % des demandes sont « justifiées ». Ces dernières se répartissent entre un diagnostic clinique de tumeurs bénignes (35,1%), tumeurs malignes (33,3%) – dont mélanomes (22 cas), carcinomes épidermoïdes (29), carcinomes baso-cellulaires (27) – et autres situations (eczéma, etc.). La télé-expertise ne donne lieu à une consultation physique que dans 40 % des cas, assurée dans 90 % des cas par le dermatologue qui rend l’avis.

Gain de temps médical 

Installé à Crozon (Finistère) depuis 1987, le Dr François Parenthoine est l'un des 340 généralistes demandeurs d'avis ayant eu recours à OncoBreizh Télédermato. « L'outil proposé par l'URPS me permet d'avoir un retour en trois jours et d'éviter des retards de prise en charge préjudiciables, confirme-t-il. En plus, il est simple d'utilisation et rapide. Je prends une photo de la tumeur et détaille ma demande au spécialiste. En même temps, je prends le temps pour expliquer ce que je fais au patient. ».

La Dr Lucie Murgalé, installée depuis 10 ans à Talensac (Ille-et-Vilaine) en maison de santé pluridisciplinaire, ne cache pas sa satisfaction. Sur son territoire en tension, la généraliste a investi dans un dermatoscope permettant des photos précises des lésions cutanées. « Par ce biais, j'obtiens une réponse rapide sur la conduite à tenir et la programmation de consultations en présentiel lorsque c'est nécessaire », confirme-t-elle. Sur un mois d'activité, la généraliste sollicite « au moins trois fois » la plateforme pour avoir cet avis. « Cela prend un peu de temps mais c'est moins chronophage que lorsque je dois appeler pour avoir un rendez-vous avec le spécialiste », affirme-t-elle.

Si la Dr Jouan salue le soutien des institutions (ARS, URPS, Assurance-maladie), la spécialiste reconnaît que le frein principal reste de convaincre ses confrères dermatologues déjà débordés de s'engager dans un contexte de pénurie médicale. En tout état de cause, le réseau souhaite poursuivre son essor et se structurer en équipe de soins spécialisés (ESS). Des webinaires permettant de sensibiliser les généralistes bretons à la cancérologie cutanée sont envisagés. 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin