Joyce Sultan, économiste, coautrice de l’enquête sur les refus de soins : « La discrimination est transversale aux trois spécialités étudiées »

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Publié le 12/05/2023
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LE QUOTIDIEN : Votre étude sur les refus de soins aux patients bénéficiaires de l'AME est inédite. Quelles sont les principales leçons ? 

JOYCE SULTAN : C’est en effet la première fois qu’il y a un testing qui porte sur les personnes bénéficiaires de l’aide médicale de l’État. Ce qu’on voit, c’est que les personnes se présentant comme bénéficiant de l’AME ont une probabilité d’accès aux soins qui est beaucoup plus faible que celle des patients de référence, avec des écarts de 10 à 11 points en termes de pourcentage.

On constate d'abord des refus de soins qui sont explicitement discriminatoires avec des médecins qui disent « On ne vous prend pas au motif que vous avez l’AME ». Et on a aussi des praticiens qui, systématiquement, refusent plutôt les patients qui ont l’AME, mais en invoquant des motifs d’apparence légitime : « Les calendriers sont pleins », « Il n’y a plus de place disponible » ou « Il faut aller sur Doctolib pour avoir un rendez-vous ».

Ces refus sont-ils davantage le fait d’une spécialité qu’une autre ?

La discrimination à l’égard des patients AME est vraiment transversale aux trois spécialités étudiées – médecine générale, pédiatrie, ophtalmologie. Il n’y a aucune spécialité dans laquelle on n’observe pas de discrimination à l’encontre des bénéficiaires AME.

Nous avons également analysé les refus de rendez-vous en fonction du genre des praticiens. Si, d’une façon générale, les praticiennes octroient moins de rendez-vous à tous les patients que les praticiens hommes, on constate qu'elles discriminent moins les patients qui ont l’AME ou la CSS par rapport à ceux qui n’ont pas ces aides. C’est vrai pour les trois spécialités.

Les patients bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS) semblent moins souffrir de ces discriminations…

Oui, c’est, a priori, une évolution positive par rapport au dispositif précédent de la CMU complémentaire et de l’ACS qui peut s’expliquer par la fusion de ces deux prestations en 2019. Il y a désormais un seul niveau de garantie et cette CSS est plus simple à gérer pour les professionnels de santé. La généralisation du tiers payant a aussi probablement favorisé une meilleure prise en charge des personnes qui ont la complémentaire santé solidaire.


Source : lequotidiendumedecin.fr