La mutation de la médecine de ville, trop lente ? Des experts du secteur poussent à accélérer le travail en équipe et les regroupements

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Publié le 14/02/2022
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Crédit photo : PHANIE

Lors d'un débat sur l'avenir de la médecine de ville organisé par les « Contrepoints de la santé », la députée Stéphanie Rist (LREM, Loiret), le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, et Dominique Polton, présidente du conseil scientifique de l'École des hautes études en santé publique (EHESP), ont insisté, chacun dans leur registre, sur la nécessité d'adapter le modèle d'exercice libéral et d'accélérer la transformation du système de santé.

Alors que l'âge d'installation recule et que l'exercice libéral est concurrencé par les offres de salariat, les difficultés accès aux soins s'intensifient (plus de 7 millions de Français vivent dans une commune où l'accès à un généraliste est limité), tandis que la nouvelle génération aspire à travailler autrement et de façon regroupée. S'ajoutent deux années de crise et « le mur » du vieillissement de la population, rendant d'autant plus nécessaire un aggiornamento de la médecine de ville.

Une transformation progressive

Mais à quel rythme faire cette mutation ? « On ne peut pas dire que les choses ne bougent pas, nuance Dominique Polton. Il y a eu les assistants médicaux (le gouvernement en espérait 4 000 à la fin du quinquennat), les infirmiers en pratique avancée (IPA) et beaucoup de réformes qui ont promu les organisations collectives, mais tout cela pourrait aller plus vite ! Il faut pousser encore au travail en équipe. » 

La CSMF, syndicat polycatégoriel qui a lui-même fait sa mue pour défendre une médecine regroupée et un médecin coordonnant une équipe de soins, appelle de son côté à renforcer l'environnement professionnel pour rendre le libéral plus attractif. « En France, il y a moins d’un demi-temps plein autour de chaque médecin. Les assistants médicaux sont une bonne solution, mais ils se mettent en place trop lentement pour dégager du temps médical, rappelle le Dr Ortiz. Il faut simplifier les critères d’attribution et viser un assistant par médecin accompagné par la Cnam. Si on veut faire évoluer les choses, il faut davantage de confiance de l’Assurance-maladie envers le corps médical ! » Quant aux IPA, elles sont « une bonne solution » mais qui reste très limitée en ville, à cause de leur faible nombre.

Une conférence de consensus ? 

Plutôt que des accès direct et transferts de tâches imposés par l'Assemblée nationale, le président de la CSMF appelle de ses vœux une conférence de consensus entre les professions de santé. « On se donne six mois et on réfléchit comment on structure les parcours de coordination avec le médecin au centre de l'équipe », propose-t-il.

« Si on était il y a 20 ans, j’aurais été d’accord pour prendre le temps d’échanger, mais on n’a plus le temps : il faut faire la primoprescription pour les IPA, l'accès direct, et que chaque médecin ait accès à un assistant médical, rétorque la députée Stéphanie Rist, tout en défendant le bilan de la majorité. Je suis contre l'obligation d’installation en France, mais je suis pour l’obligation d’aller vite. » La députée LREM du Loiret, rhumatologue de formation, pousse à la structuration des libéraux au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Celles-ci sont « le cadre parfait » pour se concerter, définir les coopérations et donc les délégations de compétences.

Le développement de l'accès direct à tel ou tel professionnel de santé doit toutefois se faire dans une organisation collective, met en garde Dominique Polton. « Cela n'a du sens que dans le cadre d’une équipe de soins, indique l'économiste de la santé. Sinon on va recréer à nouveau des silos, les uns à côté des autres, avec plein de professionnels de santé qui se font concurrence. »


Source : lequotidiendumedecin.fr