Maisons de santé, changement de cap ? Deux textes prévoient la possibilité de salarier des professionnels, l’UNPS crie au loup

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Publié le 30/03/2021
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Crédit photo : PHANIE

Le statut originel des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) s’apprête-t-il à prendre un tournant inquiétant vers le salariat ? Un projet d’ordonnance et un projet de décret réformant le statut des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA), la structure juridique des MSP, ont été soumis à approbation des organisations de libéraux. Et il inquiète fortement une partie de la profession.

À l’origine créées pour permettre aux structures pluriprofessionnelles de percevoir collectivement des subventions dans un cadre juridique et fiscal sécurisé – et de rémunérer (via des forfaits) les activités réalisées en commun par les professionnels de santé y exerçant – les SISA, 100 % libérales, étaient appelées à évoluer sur le plan juridique. C’était du moins l’objectif de la Fédération des maisons de santé (FFMPS), devenue AVECsanté (avenir des équipes coordonnées) qui souhaitait précisément un statut permettant de salarier des assistants médicaux, des infirmiers ou des kinés.

Groupement d’employeurs

Les textes, consultés ce mardi par « Le Quotidien », introduisent en effet la notion de groupement d’employeurs au sein de la SISA, et la possibilité pour ce groupement de recruter des salariés avec contrat de travail écrit. « Sous réserve de l’accord du salarié et de l’établissement d’un avenant à son contrat de travail, le salarié recruté par le groupement d’employeur peut être mis à disposition de la SISA et, inversement, elle peut utiliser pour ses activités propres un salarié du groupement », indique le projet de décret.

Le projet d’ordonnance précise que la SISA « a pour objet », sous réserve que ses statuts le prévoient, l’exercice des activités de soins de premier et de second recours, ou d’autres activités « contribuant à la mise en œuvre du projet de santé » et que « ces activités sont exclusivement exercées par des professionnels de santé salariés par la société ». « Le nombre de professionnels de santé salariés d’une SISA est inférieur au nombre des professionnels de santé libéraux associés », précise le texte.

« Voués à l’échec »

Une formulation ambiguë et qui inquiète certains. L’Union nationale des professionnels de santé (UNPS, libéraux) s’est aussitôt alarmée de ces deux projets, « voués à l’échec ». « Les mesures envisagées reviennent à dénaturer les MSP, pourtant créées pour les libéraux, s’indigne l’UNPS. Il deviendra difficile de distinguer ces nouvelles structures des centres de santé. Les dispositions envisagées complexifient davantage, alors que les professionnels de santé libéraux demandent, de longue date, un fonctionnement simple de ces structures. »

L’UNPS regrette que ce texte soit adressé pour avis aux libéraux sur le tard. « Le groupe de travail est en place depuis 2019 et depuis il n’y a quasiment pas eu de concertation, déplore le Dr William Joubert, son président. Et là on nous demande une réponse dans un délai de 11 jours, sans réunion préalable. C’est fort de café ! Il y en a assez du salariat, si l’on veut faire disparaître le modèle libéral en France, on est bien parti. »

Plus de souplesse

Mais du côté des représentants des maisons de santé, où l’on réclamait cette évolution, le son de cloche est plus positif. Le salariat proposé dans les textes sera « au choix de la SISA ou du professionnel », affirme le Dr Pascal Gendry, généraliste et président d’AVECsanté, qui a suivi ces évolutions de près.

« Il était déjà possible de salarier des infirmières de pratique avancée (IPA). Désormais, il y a deux possibilités : tout d’abord l’embauche d’un assistant médical par le groupement d’employeur au sein de la SISA, plutôt que par un seul médecin, ou alors l’embauche d’un infirmier, d’un kiné, voire d’un médecin si celui-ci le souhaite et que cela correspond au projet de santé », décrypte le Dr Gendry. Dans tous les cas, la société « doit rester et restera libérale » et ces dispositions « ne changent pas la philosophie ni la dynamique d’origine ». « D’ailleurs, recadre-t-il, ce salariat risque d’être marginal, l’idée est de donner la possibilité de le faire et non pas de généraliser ou de se transformer les SISA en centre de santé ! En revanche, cette évolution permet de s’adapter à tous les besoins d’un territoire. Il était dommage de se priver de certaines ressources parce qu’on ne pouvait pas salarier. »

Encore soumis à concertation, ces deux projets de texte doivent passer devant le Conseil d’État début avril.


Source : lequotidiendumedecin.fr