Plombés par la pénurie d'essence, les libéraux de santé réclament réquisitions, coupe-file et stock stratégique

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Publié le 11/10/2022

Crédit photo : AFP

Alors que la grève a été reconduite ce mardi chez TotalEnergies et Esso-ExxonMobil, les soignants s’alarment de plus en plus du risque de pénurie de carburant.

« Les professionnels de santé ne peuvent pas se permettre de faire une à deux heures de queue devant une station-service pour soigner des malades », souligne le Dr Jean-Christophe Masseron, contacté ce mardi par « Le Quotidien ». Le président de SOS Médecins craint que, sans issue rapide, la situation conduise « à un arrêt des visites à domicile », d’autant plus dans un contexte « de tension et d’agressivité » des usagers à la pompe. « Il faut dans l'urgence que les préfets réquisitionnent les stations-service pour les véhicules prioritaires, dont nous faisons partie, médecins libéraux », réclame le Dr Masseron.

Une requête également formulée par la Fédération nationale des infirmiers (FNI), qui souhaite que l’essence soit fléchée en priorité vers les soignants. « Sans mesures d’urgence, la continuité des soins à domicile pour de nombreux Français sera menacée, avec pour conséquence une hausse des hospitalisations », craint la FNI. Alors que les témoignages de galère à la pompe se multipliaient en début de semaine chez les soignants, notamment en Île-de-France, le syndicat demande carrément que, pour les infirmiers libéraux « empêchés d’exercer », « la Cnam se prépare à activer le dispositif d’indemnisation de la perte d’activité (Dipa) afin de limiter l’impact financier de cette situation sur les revenus d’activité ».

Des pompes réservées 

De son côté, le Syndicat des médecins libéraux se dit « très inquiet » de ces tensions d’approvisionnement et redoute « l’incapacité des médecins à pouvoir réaliser les visites à domicile dès les prochains jours ». Le SML appelle le gouvernement à mettre en place rapidement « un stock stratégique de carburant », réservé, entre autres, aux soignants.

En Meurthe-et-Moselle, le Dr Xavier Grang, généraliste et vice-président de MG France, plaide lui aussi pour « la mise en place d’une ou deux pompes réservées aux soignants, libéraux et salariés ». Les URPS de la région Grand Est ont envoyé un mail en ce sens à l’agence régionale de santé (ARS) et la préfecture, resté pour l’heure sans réponse. « Si la situation venait à s’aggraver, nous souhaiterions que des stations-service, réparties sur le territoire, soient laissées libres pour les professionnels de santé », insiste le Dr Grang.

Accès prioritaire

Déjà, localement, des accès prioritaires pour les professionnels de santé s’organisent. Dans les Hauts-de-France – première région touchée par la pénurie d'essence – la préfecture a demandé à certaines pompes de « mettre en place un accès prioritaire, sur des créneaux horaires définis », pour les soignants, les ambulances, la police ou les distributeurs de produits pharmaceutiques. La liste de ces stations-service est disponible sur le site de la préfecture du Nord.

En Île-de-France, seconde région la plus impactée, l’URPS médecins libéraux réclame au préfet de s’inspirer des coupe-file du Nord pour « éviter les pertes de chance vitale pour les patients de la région ». L’URPS demande ainsi au préfet de la zone défense de la région Île-de-France « la mise en place d’un accès prioritaire des professionnels de santé aux stations-service réservées au fonctionnement des services publics, sur présentation d’une carte professionnelle ou caducée ».

L'Ordre en alerte

Depuis lundi, une trentaine de stations franciliennes proposent déjà un coupe-file pour certaines professions, dont les médecins libéraux. « À ce jour certaines stations de Paris, de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne et du Val-d’Oise sont priorisées », précise l’URPS, qui publie la liste des stations.

L’Ordre des médecins demande de son côté « la généralisation d’un accès prioritaire des carburants aux professionnels de santé », partout où cet accès est difficile. Dans la Somme, le Var ou les Bouches-du-Rhône, certaines pompes mettent déjà en place des créneaux réservés. « Et certaines stations peuvent avoir une tolérance pour les médecins par exemple, mais ça reste au bon vouloir des personnes », indique le Dr Masseron (SOS). « Dans le passé, pointe-t-il, en cas de pénurie de carburant, nous avons toujours été priorisés, cette fois-ci ça tarde à venir. »


Source : lequotidiendumedecin.fr