Repositionnement des missions, délégation de tâches : l'IGAS propose de recentrer le rôle des pédiatres, les spécialistes libéraux sonnent l'alerte

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Publié le 16/06/2021
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Crédit photo : PHANIE

Démographie déclinante, répartition inégale sur le territoire, rôle croissant des médecins généralistes, inégalement formés à la médecine de l’enfant… les pédiatres de ville qui assurent moins de 15 % des consultations concernant les enfants traversent une « crise identitaire », selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Ces spécialistes assument « des missions proches de celles des médecins généralistes et leurs positionnements respectifs apparaissent peu complémentaires », peut-on lire dans le rapport. Pis, leur rémunération figure parmi les plus faibles, comparées aux autres spécialités médicales, ce qui contribue au manque d’attractivité de la profession.

À l’inverse, le rapport relève une situation « plus satisfaisante » du côté de la pédiatrie hospitalière qui a fait des progrès « considérables » ces dernières décennies, permettant une augmentation de l'espérance de vie des jeunes malades. Pour autant, le rapport note une attractivité de la pédiatrie déclinante auprès des étudiants « en raison d'une charge de permanence et de continuité des soins particulièrement importante, notamment aux urgences pédiatriques ».

Généraliste et pédiatre, pas les mêmes missions

Pour parvenir à un système de soin des enfants et adolescents plus cohérent, l'organisme propose de construire un nouveau modèle de prise en charge avec 21 recommandations, applicables en 2021 et 2022.

Pour la ville, le rapport préconise un « repositionnement profond » des rôles respectifs des généralistes et des pédiatres libéraux. Dans le schéma proposé, le généraliste formé à la santé de l’enfant serait l’acteur de proximité du suivi médical des enfants « ne présentant pas de pathologie chronique ni de facteur de vulnérabilité », assurant le suivi préventif et les soins non programmés. Il jouerait ainsi un rôle actif dans la permanence des soins. La formation des généralistes à la santé de l'enfant devrait être revue avec la création d'une option « Santé de l'enfant ».

De son côté, le pédiatre de ville assumerait un rôle de recours dans le suivi de certaines maladies chroniques et d'expert, par exemple sur les troubles du neuro-développement et les troubles des apprentissages et plus globalement sur le développement de l’enfant. Recentré sur les enfants avec des besoins particuliers ou des facteurs de risque (enfants porteurs de maladies chroniques, handicapés, prématurés ou présentant des facteurs de vulnérabilité à la naissance…), le spécialiste assurerait le rôle de médecin traitant pour le suivi du développement (examens préventifs), les consultations non programmées (maladies infectieuses), et la coordination des soins, estime l'IGAS. Le renforcement de ces missions spécialisées des pédiatres de ville devrait s'accompagner des ajustements du financement de leurs actes et de leur nomenclature pour permettre notamment à ces spécialistes de salarier des assistants médicaux, un emploi qui reste encore très minoritaire aujourd'hui, selon l'IGAS.

Les infirmiers puériculteurs en renfort

Autre recommandation du rapport pour élargir l'offre de soins : le développement de l'exercice libéral des infirmières puéricultrices qui pourraient assurer des consultations autonomes (dans le cadre d'un protocole ou en binôme avec un médecin) ou les délégations de tâches aux infirmières puéricultrices à l'instar de ce qui est déjà fait dans la filière visuelle entre les orthoptistes et les ophtalmologistes. L'IGAS préconise aussi la création d'actes dédiés à ces professionnels de santé dans la nomenclature générale des actes et des prestations (NGAP).

Pour l'hôpital, la mission préconise aussi de recentrer l'activité et de mieux la valoriser. « Le mouvement actuel de spécialisation doit toutefois se concilier avec le maintien d'une pédiatrie généraliste (ou polyvalente) à l'hôpital, tant en CH qu'en CHU, qui suppose une meilleure analyse des besoins de postes en pédiatrie polyvalente à l’hôpital », précise l'IGAS.

Enfin, le rapport mise sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour développer l'exercice coordonné entre les professionnels de santé de l'enfant de ville (médecin, pédiatre, infirmiers puériculteurs, orthophonistes..) mais aussi entre l'ambulatoire et l'hôpital public.

 

Le Syndicat national des pédiatres français sonne l'alerte

Pour le SNPF, les préconisations du rapport de l'IGAS « ne permettront plus aux professionnels de santé de suivre correctement la santé des enfants, leur développement moteur et psychologique, et leurs apprentissages ». Le syndicat estime que le repositionnement suggéré par l'IGAS reviendrait à « augmenter l’errance diagnostique, ou ne pas assurer les dépistages essentiels sensori-moteur ou cognitif ». « Plus que jamais les pédiatres doivent rester les "experts du suivi en première ligne de l’enfant" », insiste le SNPF. Prêts à renforcer « toutes les collaborations pour un parcours de soins des enfants pluridisciplinaire », les pédiatres se déclarent notamment favorables à « une amélioration globale de la formation des médecins généralistes notamment dans la prise en charge des pathologies infectieuses et la vaccination » et à un « pool de médecins généralistes plus impliqués dans la santé de l’enfant ». Des aménagements qui doivent aller de pair avec une augmentation « volontariste » du nombre de pédiatres.


Source : lequotidiendumedecin.fr