La CFE, décryptage d'un impôt auquel les libéraux n'échappent pas

Par
Publié le 18/11/2022
Article réservé aux abonnés

Peu d'indépendants y échappent. La cotisation foncière des entreprises (CFE) concerne tous les médecins libéraux, qu’ils exercent en individuel ou via leur société (SEL, SCP, etc.), qu’ils soient installés, collaborateurs, ou encore étudiants remplaçants.

Avec cet impôt, c'est votre outil de travail qui est taxé

Avec cet impôt, c'est votre outil de travail qui est taxé
Crédit photo : GARO/PHANIE

La CFE est un impôt professionnel local qui a replacé en 2010, l'ex-taxe professionnelle. Focus sur quelques caractéristiques intéressant les médecins, puis ses exonérations, réductions et dégrèvements, en trois volets.

Un impôt complexe

La CFE (Cotisation foncière des entreprises) est une taxe locale basée au réel sur la valeur locative de votre surface professionnelle, ou à défaut forfaitaire, dite CFE minimum, variant alors selon le montant de vos recettes. Elle est due chaque année par les personnes physiques ou les sociétés qui exercent à titre habituel une activité professionnelle libérale. Malgré les innombrables mesures de « simplification » appliquées à cette taxe depuis des décennies, elle reste d’une redoutable complexité.

Son montant, recouvré par les SIE (service des impôts des entreprises), est particulièrement disparate d’une commune (ou intercommunalités) à l’autre, et cela à égalité de chiffre d’affaires et/ou de locaux dont le médecin a disposé : par exemple de moins de 100 euros à Neuilly ou Paris XVIe à plus de 2 000 € à Fos-sur-Mer ou Martigues. Et selon les endroits, les sauts de tranche sont spectaculaires : la taxe forfaitaire dite « CFE minimum », peut plus que doubler lorsque les recettes annuelles franchissent — même de quelques euros ! — le seuil de 32 600 € ou celui de 100 000 € dans la même commune.

Principe systématique d’une CFE minimum

La dernière « simplification » frappant cet impôt a posé le principe d’un montant minimum de CFE en cas de trop faible taxation (ou faute d’appréciation possible) de votre surface professionnelle. En pratique, chaque médecin ou société de médecins ne bénéficiant pas des exonérations que nous listerons ici la semaine prochaine, est quasi systématiquement concerné. Ce montant est fixé à partir d’une base dont le niveau est déterminé par les conseils municipaux (ou les EPCI = sortes d’intercommunalités à fiscalité professionnelle unique) dans la fourchette de 227 à 7 046 € pour 2022. Une fois la base définie, les taux locaux tournant autour de 30 % sont appliqués pour le calcul de la taxe due. Ce principe de CFE minimum se révèle souvent redoutable pour les locaux à usage mixte dont, par définition, ceux des remplaçants (voir semaine prochaine).

Exercice multi-sites

La législation générale impose à une CFE distincte chaque établissement distinct (cabinet médical) utilisé par le même redevable libéral (exercice multi-sites). Mais elle pose aussi l’heureux principe dérogatoire et contraire suivant : en cas de taxation par une CFE minimum, cette dernière ne s’applique qu’au lieu du principal établissement indiqué sur votre déclaration de revenus professionnels. Alors même que le total des bases d’imposition en cas de pluralité de cabinets serait supérieur à la base minimum. Notre conseil : nous invitons les très nombreux médecins multi-sites à vérifier l’application de cette règle dérogatoire à leur situation car en pratique nous constatons beaucoup de sur-taxations ou multi-taxations.

Les SCM ou les SISA

Chaque praticien membre de tels groupements est imposé à la CFE, d’abord à titre individuel sur la valeur locative des seuls locaux dont il a la jouissance exclusive (et dans la quasi-totalité des cas en taxation minimum selon le principe systématique développé plus haut). Et en sus, la SCM ou la SISA est imposée à titre collectif sur la valeur locative des locaux à usage non privatif (ex. salle d’attente, bureau de secrétariat, communs, etc.). En pratique, nous constatons que nombre de SCM ou de SISA et leurs membres sont taxés sur des bases souvent fantaisistes. Notre conseil : s’il s’agit de petites SCM ou SISA, comportant peu de membres, et si de surcroît la commune applique une faible fiscalité locale, on laissera les choses en l’état. En revanche, dans tous les autres cas, gare ! Car en cas de fiscalité locale pesante par exemple, et donc de taxation minimale lourde (> 1 000 € par exemple), ou dans le cas de nombreux membres au sein d’une SCM ou SISA, ou pire dans le cas très fréquent de SCM ne servant que de coquille fiscale au partage de charges communes, voire qu’à l’utilisation de matériels coûteux communs, l’addition se révèle particulièrement salée. Une étude au cas par cas s’impose pour prendre la décision de contester utilement car les solutions et/ou les voies de recours sont multiples et parfois complexes…

La collaboration libérale

Deux points singuliers sont à souligner : 1/Côté collaborateur libéral, les redevances de collaboration acquittées doivent être déduites des recettes du collaborateur pour l’appréciation du montant des recettes annuelles déterminant l’assiette de CFE minimum. Tandis que, côté titulaire du cabinet, ces redevances sont à inclure dans les recettes annuelles déterminant l’assiette minimum de CFE. 2/L’administration fiscale a la tendance fâcheuse de taxer les collaborateurs libéraux sur les différents lieux de leur exercice, et souvent sur la base d’une CFE minimum. Or, que sa CFE soit au réel ou minimum, que le médecin collaborateur le soit d’un ou plusieurs confrères, situés ou non dans la même commune, et qu’il pratique au surplus des remplacements chez d’autres ou chez ces mêmes confrères, il ne doit subir qu’une seule CFE dont la (ou les) redevance(s) doit (doivent) être déduite(s) de ses recettes pour l’application de sa CFE minimum. Notre conseil : nous préconisons de vérifier systématiquement la ou les CFE du collaborateur, les erreurs ou sur-taxations étant la norme.

Une question ? Un avis ? = > pascal.lamperti@media-sante.com

Pascal Lamperti

Source : Le Quotidien du médecin