Jusqu’à 180 consultations par jour : le généraliste « stakhanoviste » orléanais condamné à deux ans de prison avec sursis

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Publié le 02/09/2021

Crédit photo : DR

Le verdict est tombé. Le Dr Jean-Marc Blanchon a finalement été condamné à deux ans de prison avec sursis – et un an d’interdiction d’exercice – pour faux et escroquerie.

Le jugement a été rendu ce jeudi 2 septembre par le tribunal judiciaire d’Orléans. Ce généraliste orléanais était accusé d’avoir escroqué l’Assurance-maladie, en émettant de faux actes. En juillet 2019, c’est le rythme effréné du praticien qui avait alerté la CPAM du Loiret : 120, voire 180 consultations par jour! Soit un patient toutes les 6 minutes, pendant 15 heures d’affilée.

Entre 2015 et 2020, le Dr Blanchon aurait ainsi reçu près de 200 000 patients… Des méthodes stakhanovistes auxquelles la Sécu n'a pas cru. Alors que le nombre moyen de consultations annuelles des généralistes oscille entre 6 000 à 8 000 selon la CPAM, le Dr Blanchon atteignait généralement 20 000 consultations par an – ses honoraires mensuels avoisinant les 45 000 euros.

« Je travaille très vite »

Le procès du Dr Jean-Marc Blanchon s’est ouvert fin juin 2021 au tribunal judiciaire d’Orléans. Fausses feuilles de soins, arrêts de travail de complaisance, pas d’agenda ni dossier médical… Le président du tribunal avait alors successivement présenté les éléments d'accusation.

Il avait notamment brandi des feuilles de soins signées par des patients affirmant n’être jamais allé consulter le Dr Blanchon. « Oui, j’ai une activité supérieure à la normale. Je travaille très vite », avait-il lancé à la barre, se targuant d’être un médecin à l’ancienne. Les avocats de la défense avaient plaidé une relaxe pure et simple de leur client, avançant l'absence totale de preuve de fausses déclarations. À l’issue du procès, la procureure avait requis cinq ans de prison dont trois avec sursis probatoire de 2 ans, et une interdiction exercer pendant cinq ans.

Ce 2 septembre, le généraliste a donc été condamné à une peine moins lourde : deux ans d’emprisonnement avec sursis, plus de 600 000 euros à verser à la CPAM et 50 000 euros au Trésor Public. Il ne pourra plus exercer pendant un an. Le conseil départemental de l’Ordre des médecins recevra pour sa part un euro symbolique, au titre de préjudice moral. Contacté par « Le Quotidien », l’avocat du Dr Blanchon n’a pas souhaité, pour l’heure, faire de commentaires, le temps du délai d’appel.

Soutien des patients

Jean-Marc Blanchon s’est toujours défendu d’avoir émis de faux actes, arguant, à l'inverse, de lutter vent debout contre la désertification médicale. En juillet 2019, après son placement en garde à vue, il s'était expliqué à « La République du Centre » : « Il y a deux ans, j’avais écrit une lettre au directeur de la Sécu en lui expliquant que les médecins partaient et que je voyais beaucoup de patients sans rendez-vous. Je prends tous les gens. Je ne me vois pas refuser un gamin qui a 40 de fièvre comme beaucoup de médecins font ».

Dans son cabinet situé à l’ouest d’Orléans, plus d’une dizaine de personnes faisaient la queue tous les jours, dans la cage d’escalier de l’immeuble, pour consulter le généraliste, célèbre pour accepter n’importe quel nouveau patient. À la suite de son placement en garde à vue – que le praticien avait annoncé par une affichette sur la porte de son cabinet – une pétition de soutien avait été lancée, récoltant plus de 3 000 signatures. « C’est le seul docteur qui prend le temps avec ses patients même sans rendez-vous », peut-on lire sur la pétition.

Le Dr Blanchon avait été interdit d’exercice en novembre 2020, dans l’attente de son procès. Le généraliste orléanais avait alors tenté de proposer un compromis au tribunal : reprendre ses fonctions, mais en se limitant à 72 patients par jour, borne fixée par la CPAM pour distinguer une activité normale d’une activité frauduleuse. Il avait ainsi pu reprendre son activité début décembre 2020.


Source : lequotidiendumedecin.fr