Paca : ouverture d’un centre régional de prévention du suicide

Par
Publié le 17/02/2023
Article réservé aux abonnés
À Marseille, les trois dispositifs de prévention du suicide, le 3114, VigilanS et Asma ont été réunis au même endroit.
Le centre régional de prévention du suicide (CRPS) a été inauguré le 3 février à Marseille

Le centre régional de prévention du suicide (CRPS) a été inauguré le 3 février à Marseille
Crédit photo : DR

Le 25 janvier, comme cinq autres de ses collègues infirmiers du service des urgences psychiatriques de La Timone (Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, AP-HM), Blandine Gasperi a pris son poste de répondante du 3114. Jusqu’à l’ouverture du centre régional de prévention du suicide (CRPS), inauguré le 3 février, les appels au numéro national en provenance de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), 2 000 à 2 500 au total, étaient gérés par le centre hospitalo-universitaire (CHU) de Montpellier, mieux armé en octobre 2021 au lancement de la ligne d’écoute. 

« Aux urgences, on est habitué à prendre en charge la crise suicidaire. Là, ce qui est innovant, c’est de répondre à des patients en détresse à leur domicile, sans qu’ils se déplacent à l’hôpital » souligne Blandine Gasperi. « Passer un coup de téléphone, tout le monde peut le faire, chez les jeunes, c’est primordial », insiste-t-elle. À Marseille, on dénombre 2 000 tentatives de suicide par an, 4 000 à 5 000 dans les Bouches-du-Rhône, selon l’Agence régionale de santé (ARS). En une semaine, l’équipe de 3114 a déjà reçu plus d’une centaine d’appels. 

Sept répondants

Elle comprend 12 salariés, dont sept répondants – postes ouverts aux infirmières et aux psychologues – et un chargé de réseau afin d’orienter au mieux les appelants.  « Un bilan sera fait dans six mois à un an pour voir si le service est bien dimensionné », précise Sébastien Debeaumont, directeur général adjoint de l’ARS, qui finance le budget de fonctionnement du 3114, évalué 934 000 euros par an. Cette dernière a par ailleurs déboursé 175 000 euros pour aménager les locaux, loués par l’AP-HM dans le parc privé en plein centre-ville. 

Spacieux, lumineux, ces locaux refaits à neuf offrent un cadre de travail agréable : grande baie vitrée en étage élevé, matériel ergonomique, chaises confortables, bureaux assis-debout, bientôt des casques bluetooth. « C’est un bonheur », lâche Blandine Gasperi. « On n’a pas la boule au ventre qu’on pouvait ressentir en allant dans le service à l’hôpital où les conditions de travail ne sont pas évidentes, poursuit l’infirmière. Là, les prises en charge sont de la même difficulté, tout est fait pour que l'on se sente bien ».

Feeling

Elle travaille en 12 heures. La nuit, les appels sont gérés par l’un des trois centres métropolitains qui assurent la continuité de la ligne 24h/24 et 7h/7. « On a régulièrement des situations d’urgence, des patients qui ont déjà pris des cachets ou dont le passage à l’acte est imminent. Avec leur accord et leur adresse, on appelle le Samu », raconte Blandine Gasperi. Pour comprendre en quelques minutes la raison de l’appel, identifier la personne et construire un lien de confiance, elle a reçu notamment une formation de deux jours en double écoute. « Ça nous a permis d’avoir une vision de ce qui allait se passer. Après, ça se fait au feeling », explique l’infirmière. 

Derrière son poste de travail, de l’autre côté de la salle, sont installés les répondants de VigilanS. Ce dispositif de recontact des personnes ayant fait une tentative de suicide se trouvait aux urgences psychiatriques de La Timone. Depuis début 2021, 680 patients ont été inclus dans la veille. « On s’est réuni, non pas uniquement pour une conjonction de moyens mais aussi avec l’espoir de créer une dynamique autour de la prévention du suicide, d’augmenter notre visibilité et notre capacité à avoir des idées », explique le Dr Jean-Marc Henry, psychiatre de l’AP-HM et médecin coordinateur du 3114 et de VigilanS. 

Echanges par SMS

« Que l’on s’occupe d’enfants, d’adultes ou de parents, il y a beaucoup de choses en commun. On a à s’enrichir mutuellement, à construire des modèles de réflexion et d’actions », commente le Dr David Soffer, pédopsychiatre et directeur de l’Association suicide et mal-être de l’adolescent (Asma). François Crémieux, directeur général de l’AP-HM, a mis l’accent sur les missions du nouveau centre, en matière « de formation des médecins, des paramédicaux ou des travailleurs sociaux ainsi que de recherche, à commencer par les conséquences de la réunion des trois dispositifs sur les modalités de prise en charge des appelants ». 

Justine Hostettler est l’une des huit répondantes d’Asma, à temps partiel, depuis deux ans. Elle va bientôt déménager de l’hôpital Salvator (AP-HM) où est hébergée l’association, créée il y a vingt ans. Elle est référente de 46 adolescents. « On est leur interlocutrice principale pendant neuf mois », résume la psychologue. Jamais, elle ne les rencontre. Elle échange avec eux beaucoup par SMS. « Ils ne sont pas très matinaux, à partir de 11 h 30, ils répondent », précise-t-elle. « On fait aussi de la coordination avec la famille, l’établissement scolaire et les professionnels de santé », insiste Justine Hostettler. Elle garde sur elle son téléphone de veille, qu’elle allume à 8 h 30 le matin et éteint à 19 heures le soir, chaque jour de la semaine. En cas d’urgence.


Source : Le Quotidien du médecin