Courrier des lecteurs

Les décisions prises avec la loi Rist et le PLFSS 2023 risquent d'avoir un effet domino négatif

Publié le 31/03/2023
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Nos élus et hauts fonctionnaires affolés par les déficits qu’ils ont creusés eux-mêmes, ont multiplié les administrations et les lois pour mieux contrôler la santé.
La crise a commencé à bas bruits, il y a plus de 50 ans, dès mai 1968 avec la réforme des universités. Puis pendant les années Giscard, et la période Mitterrand durant laquelle le numerus clausus s’est réduit à 3 500 pendant des années. Il en fut de même pour les paramédicaux avec les 35 heures pendant la période Jospin/Aubry.
La Haute école de santé publique (HESP) et l’ENA forment sur le même moule des hauts fonctionnaires avec la même vision contre la médecine libérale.
Les conséquences sont désastreuses, tant sur la formation et le nombre de soignants que sur l’organisation générale du système de soins et sur les déficits.

Libérer les soignants de l’administration est la seule solution

En ville la surcharge est telle que les anciens médecins ne veulent plus prendre de nouveaux patients ni prendre de gardes. Plus de six millions de Français n’ont plus de médecin traitant. Il faut six mois d'attente pour un rendez-vous chez de nombreux spécialistes et 20 % de femmes n’ont plus de gynécologue.

À l’hôpital, faute de personnels soignants, de nombreux services d’urgences ferment ou sont à la peine. Des dizaines de milliers de lits ont été supprimées pour appliquer la politique de la T2A, l’hôpital à flux tendu. 20 % des lits restants et de nombreux blocs opératoires sont encore fermés dans certains hôpitaux par manque d’infirmières.

Aux urgences, on meurt encore sur un brancard faute de lits et de personnels. Le tri par le 15 n’a fait que déplacer les problèmes entraînant d’autres morts par retard de réponse aux appels sans compter les pannes comme celles du 17 janvier durant laquelle le 15, le 18, et le 112 ne répondaient.

Pour que la maison ne s’écroule pas il faut commencer par rebâtir ses fondations, c’est-à-dire les études et la formation des soignants. Tout le système universitaire, hospitalier et organisationnel doit être simplifié avec moins de personnels administratifs et moins d’agences. Cela donnerait avec la lutte contre les fraudes, les budgets nécessaires pour revaloriser les soins et remotiver ses acteurs.

La réforme des études de médecine et de l’Université est la mère de toutes les batailles.

Malheureusement chaque réforme a apporté le pire. La plus grave à mon sens est d’avoir détruit l’élitisme lors de la sélection des étudiants en supprimant les concours. Ceux de l’Externat et de l’Internat des hôpitaux donnaient accès à une très bonne formation tout en sélectionnant les meilleurs et les plus motivés.

La sélection en se « diversifiant » a multiplié le nombre d’étudiants qui veulent « un vrai confort d’exercice ». Les spécialités sans gardes et sans urgences sont choisies en priorité par les mieux classés à l’ECNi. La médecine générale et les spécialités lourdes sont boudées et de plus en plus d’étudiants veulent un travail à temps partiel ou le salariat. Le numerus clausus est donc inadapté d’autant que 20 à 30 % des étudiants envisagent de changer de voie à l’aune des nouvelles contraintes.

Conséquences du salariat et du temps partiel, de plus en plus souhaités, le temps consacré aux soins est d’autant plus diminué. Il est de plus amputé par les tâches administratives. À ce rythme il y aura de moins en moins de médecins libéraux accessibles malgré le renfort de nombreux médecins étrangers.

Si rien ne change, il faudra doubler le nombre d’admis lors du deuxième cycle. Cela serait possible avec les téléconférences, l’ouverture de facultés libres et plus de stages formateurs en secteur libéral mais est-ce souhaitable ?

Le deuxième cycle ne permet plus une bonne formation car il y a trop de cours théoriques et pas assez de stages de qualité. Rien ne prépare les internes à leur fonction.

La quatrième année d’internat pour les IMG

Le législateur a imposé une quatrième année d’internat dans les déserts pour les futurs médecins généralistes. C’est un tollé et 30 % des étudiants interrogés sur cette réforme envisagent de changer de voie.

Les internes peuvent refuser cette quatrième année de MG et saisir le Conseil d’État. Ils peuvent aussi passer leur thèse et s'installer. Après le vote par l’Assemblée de cette quatrième année pour les IMG c’est maintenant l’Académie de médecine qui s’en mêle. Elle propose une « mesure phare » qui a fait bondir la jeune génération déjà traumatisée par toutes les contraintes : « un service citoyen médical d'un an pour tout médecin nouvellement diplômé ».

Cette mesure devrait être maintenue « tant que la situation l'exigera ». Piloté directement dans les territoires par les agences régionales de santé (ARS), en coordination avec les facs de médecine, ce service se ferait « dans le cadre d’un salariat et en utilisant les infrastructures mises à disposition ».

Les internes sont payés 2 000 € en moyenne avec des temps de travail toujours dépassés avec les gardes. Ils ont déjà rendu ce service pendant leurs 10 ans à l’hôpital. Cette proposition est digne d’Ubu et leur proposer un salaire de 3 000 € mensuels est inique.

La pénurie de médecins va s’aggraver car cette décision retardera les installations et les étudiants se détourneront de cette spécialité. C’est une contre-vérité de faire croire qu’il faut 10 ans pour former de bons généralistes.

Des jeunes seront toujours attirés par un métier sans chômage. Ils se contenteront d’un salaire pour des semaines de moins de 45 heures ce qui amputera le temps consacré aux soins. La solution serait de faire commencer l'internat de MG en cinquième ou sixième année avec des stages de six mois en petite chirurgie et en médecine générale.

L' ECNi serait maintenue pour le choix définitif de la spécialité

Les internes pourraient avec cette réforme, être mis en responsabilité plus tôt pour participer aux urgences ou faire des remplacements.

L'internat de MG serait avancé mettant près de 4 000 médecins de plus sur le marché. En peu de temps les déserts seraient résorbés. La prise d’un poste d’assistant serait avancée d’un an ce qui permettrait l'accès au secteur II et l’installation.

Les salles de gardes, un patrimoine de liberté menacé

Les internes nommés par concours, sûrs d’eux-mêmes et unis dérangeaient les autorités. Prétextant le LMD, le concours a été supprimé l’année de son bicentenaire. La présence d'un espace non contrôlé est mal vue par les directions des hôpitaux. Ils ne comprennent pas l'aspect culturel et patrimonial pourtant reconnu par l’ AP-HP.
Le futur est une porte, le passé en est la clef disait Victor Hugo, alors utilisons ce passé pour reconstruire notre système de soins.


 

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Dr Bernard Kron, Membre de l'Académie nationale de chirurgie

Source : Le Quotidien du médecin