Addictions

Drogue, alcool, écrans : la crise sanitaire a fragilisé les jeunes

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Publié le 02/09/2022
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La deuxième édition du baromètre des addictions Ipsos/Macif 2022 met en exergue l'impact négatif du Covid-19 sur la consommation de substances addictives chez les jeunes de 16 à 30 ans.
Deux jeunes sur cinq déclarent être déjà rentrés avec un conducteur sous l’emprise de drogues ou d’alcool

Deux jeunes sur cinq déclarent être déjà rentrés avec un conducteur sous l’emprise de drogues ou d’alcool
Crédit photo : Phanie

Près de six adolescents sur dix ont déjà perdu le contrôle d'eux-mêmes, au moins une fois du fait de leur consommation d'alcool, de tabac, de cannabis ou d'autres drogues, au point de ne plus vraiment savoir ce qu’ils faisaient. Et 70 %, après avoir passé du temps devant un écran. C'est ce que révèle l'étude Ipsos/Macif 2022*. Une tendance à la hausse par rapport à 2021.

La perte de contrôle est élevée pour 78 % des consommateurs réguliers ces 12 derniers mois, soit une proportion en hausse de 7 points par rapport à l’an dernier (71 %). Si la corrélation entre consommation régulière de tabac, alcool et drogues et perte de contrôle est bien connue des professionnels de santé, ce lien est moins évident concernant l'exposition aux écrans. « Lorsque cette dernière est trop fréquente et de longue durée, elle peut induire une perte de la notion du temps et des comportements délétères, souligne Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien, de la Fédération Addiction. Ceux-ci sont en augmentation depuis la crise sanitaire. Certains jeunes dépendants aux écrans oublient par exemple de s'alimenter ou d'aller en cours. La nervosité est également fréquente. »

Les écrans, un risque sous-estimé

Par ailleurs, quel que soit le produit consommé, la perception du risque est minorée. Si les niveaux de risque perçus restent plus importants pour les drogues dures, il est en net recul notamment pour l’héroïne, la cocaïne et le crack. Concernant l’alcool et les écrans interactifs, le niveau de risque perçu est toujours nettement plus bas que celui mesuré pour les autres substances, alors même que leurs usages se sont répandus durant la crise sanitaire. Élément préoccupant : seuls 8 % des jeunes attribuent un risque maximal à l'exposition excessive aux écrans interactifs. « La perception minorée du risque est notamment liée au fait que les jeunes veulent vivre des sensations de plus en plus fortes », note Bleuenn Laot, chargée de mission prévention et promotion de la santé de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage). Ce phénomène s'est amplifié depuis la crise du Covid.

Les expériences négatives en augmentation

Près des trois quarts des jeunes de 16 à 30 ans (74 %) déclarent avoir ressenti des troubles, des sentiments de mal-être ou des difficultés concrètes (accidents, situations de violence, problèmes financiers) au cours des 12 derniers mois. Cette proportion a progressé par rapport à l’an passé. « Cette évolution montre à quel point les expériences négatives liées à toutes sortes d'addictions sont en augmentation, affirme Jean-Pierre Couteron. Cela met en exergue le mal-être des jeunes, leur perte de repères. Et le fait qu'ils ne sont pas assez nombreux à bénéficier du suivi d'un psychologue ou, si nécessaire, d'un psychiatre. »

Enfin, plus de quatre jeunes sur cinq ont déjà adopté un comportement à risque dans leurs déplacements en raison de leur consommation (83 %), dont 62 % plusieurs fois. Ainsi, un tiers d’entre eux est déjà rentré en voiture en tant que conducteur ou à vélo en ayant consommé une substance (toutes confondues). Un adolescent sur cinq est déjà rentré en trottinette, hoverboard, rollers ou scooter. Ces comportements à risque sur la route sont également liés à la consommation des autres : deux jeunes sur cinq déclarent être déjà rentrés avec un conducteur sous l’emprise de drogues ou d’alcool. Les jeunes âgés de 16 à 19 ans (31 %) et les hommes âgés de 25 à 30 ans (50 %) semblent les plus concernés.

*Deuxième édition du baromètre « Addictions et leurs conséquences chez les jeunes », réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 3 500 jeunes âgés de 16 à 30 ans du 14 au 21 avril 2022.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin