Pour réussir le sevrage tabagique

Les rechutes, un nouveau départ

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Publié le 27/11/2020
Il faut analyser toute tentative de sevrage tabagique qui se solde par une reprise de la consommation, afin de mieux gérer la prochaine. Il existe aujourd’hui de nombreuses stratégies permettant d’augmenter les chances de réussite.
Il faut déculpabiliser le patient : les rechutes sont la règle et non l’exception

Il faut déculpabiliser le patient : les rechutes sont la règle et non l’exception
Crédit photo : phanie

Le tabagisme doit être considéré comme une maladie chronique nécessitant des interventions répétées et un suivi à long terme. « La rechute fait partie du processus normal en addictologie. La grande majorité des fumeurs font trois à quatre tentatives de sevrage. Dans tous les cas, il faut les déculpabiliser : la rechute est la règle et non pas l’exception », rappelle le Dr Michel Underner, pneumologue-tabacologue au CH Henri Laborit, Poitiers.

Il faut en premier lieu faire le point sur les deux questions du test de Fagerström : consommation quotidienne de cigarettes (une cigarette roulée est équivalente à deux cigarettes manufacturées) et délai entre le réveil et la première cigarette.

Il faut aussi se renseigner sur les tentatives antérieures : avec quels produits, à quelle dose, pendant combien de temps, quels effets indésirables…

Face à un gros fumeur très dépendant (plus d’un paquet/jour) ou un fumeur « difficile » (« hard-core smoker »), ayant fait de nombreuses tentatives d’arrêt infructueuses, il convient de bien préparer le prochain arrêt. Pour cela, il faut analyser les raisons des rechutes, rechercher les facteurs déclenchants, vérifier l’observance des médicaments… Les stratégies de coping doivent aussi être renforcées : le patient doit apprendre à identifier les situations à haut risque de rechutes, à mettre en place des stratégies pour « faire face ».

Associer médicaments et thérapies

La prise en charge repose toujours sur l’association de stratégies non médicamenteuses (entretien motivationnel, soutien psychologique, thérapies cognitivo-comportementales [TCC], etc.) et un traitement pharmacologique. « Les TCC ne sont pas toujours faciles à mettre en place. Le soutien psychologique peut alors consister en un suivi par appel téléphonique ou SMS, ou encore à l’aide d’une application », ajoute le spécialiste. 

Selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS, 2014), en première ligne, les substituts nicotiniques doivent être prescrits à des doses adaptées : une cigarette = 1 mg de nicotine. Patchs et formes orales (pastilles à sucer plutôt que gommes, moins faciles à utiliser) doivent être associés. Face à un besoin impérieux de fumer (craving), le spray buccal présente l’avantage d’agir vite.

« En 2e ligne, on peut prescrire la varénicline (2 mg/j pendant 12 semaines). Depuis les résultats de l’étude Eagles, elle peut être utilisée chez tout fumeur, y compris avec une comorbidité psychiatrique, si celle-ci est stable. Il faut conseiller de ne pas la prendre à jeun pour éviter les nausées, explique le Dr Underner, soulignant qu’aux États-Unis elle est désormais recommandée par l’American Thoracic Society dès la première ligne (1). Le bupropion quant à lui est beaucoup moins prescrit.

Stratégie de prétraitement

En ce qui concerne le traitement médicamenteux, il sera renforcé en cas de rechute, en augmentant les doses ou la durée mais aussi en utilisant des stratégies différentes des traitements standards, ayant fait la preuve de leur efficacité dans des études validées. L’une d’entre elles est le prétraitement avec des patchs de nicotine (pendant au moins un mois tout en fumant) ou avec de la varénicline pendant un mois (voire davantage), suivi de l’arrêt du tabac tout en poursuivant le traitement pendant trois mois.

Le prétraitement a montré une augmentation significative du taux d’abstinence, tout comme le traitement combiné, patch plus varénicline, qui s’est avéré plus efficace que la varénicline seule, en particulier s’il y a un prétraitement avec le patch à la nicotine (2).

« Il existe de nombreuses options de prise en charge du sevrage tabagique. Le choix se fait en concertation avec le patient fumeur car l’adhésion au traitement et l’alliance avec le professionnel de santé compte beaucoup pour le succès », souligne le Dr Underner.

Entretien avec le Dr Michel Underner, Poitiers 

(1) Leone FT et al. Initiating pharmacologic treatment in tobacco-dependent adults. An official American Thoracic Society clinical practice guideline. May 2020

(2) Chang PH et al. Combination therapy of varenicline with nicotine replacement therapy is better than varenicline alone : a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. BMC Public Health 2015

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin