L’allergologie se met aux 6P

Par
Publié le 26/05/2023
Article réservé aux abonnés
Le choix du fil rouge du congrès, la « médecine 6P » reflète les évolutions spectaculaires dans tous les aspects du diagnostic et de la prise en charge des maladies allergiques. Intégration de l’intelligence artificielle, développement de l’immunothérapie allergénique… tour d’horizon de ces avancées avec le Pr Pascal Demoly, président de la Société française d’allergologie.
Un prix de 25 000 € sera décerné aux équipes ayant fourni les algorithmes les plus efficaces

Un prix de 25 000 € sera décerné aux équipes ayant fourni les algorithmes les plus efficaces
Crédit photo : GARO/PHANIE

Organisé conjointement par la Société française d’allergologie (SFA) et l’Association nationale de formation continue en allergologie (Anaforcal), le Congrès Francophone d’Allergologie (CFA) a permis aux plus de 2 500 spécialistes réunis (pneumologues, dermatologues, pédiatres) d’échanger pour une meilleure prise en charge des patients.

Comme dans toutes les autres spécialités médicales, l’allergologie s’est mise à la médecine 6P. Le concept développé il y a une dizaine d’années, reposait sur une médecine 4P, pour « personnalisée, préventive, prédictive et participative ». Un cinquième s’est ajouté, la « médecine basée sur les preuves », celle de l’ère du numérique.

Aujourd’hui, le sixième P, le « parcours de soins », vient souligner la nécessaire coordination des différents acteurs du domaine de l’allergologie — sans oublier les compétences complémentaires apportées par les diététiciens ou les conseillers en environnement — afin de tirer parti des progrès en cours.

« On peut se féliciter que la DGOS ait publié, en décembre dernier, une note relative à la structuration de la prise en charge hospitalière en allergologie sur les territoires, avec un cadre d’orientation pour le déploiement des unités transversales d’allergologie [UTA] », souligne le Pr Pascal Demoly (CHU de Montpellier), président de la SFA.

Construction collective de l’IA

« L’intelligence artificielle [IA] est déjà une réalité en allergologie, avec plusieurs initiatives auxquelles la SFA participe. Nous avons mis en place un groupe de travail en santé numérique et IA, indique le Pr Demoly, pour qui l’intelligence artificielle pourrait être une solution afin d’améliorer et faciliter le diagnostic des allergies. Nous avons ainsi participé à un ‘data challenge’ du Health data hub. Le projet présenté par la SFA, ‘l’allergen chip challenge’, a été sélectionné et vient d’être lancé. »

Ces défis, portant sur des données de santé, ont pour but de favoriser l’émergence et le partage de solutions innovantes en santé numérique, pouvant améliorer la prise en charge des patients. « L’Allergen chip challenge » consiste à explorer le profil des anticorps développés par chaque patient en réponse à son environnement, dans le cadre d’une médecine personnalisée. La SFA a sollicité les centres d’allergologie, regroupés au sein du réseau AllergoBionet, qui centralise les données allergologiques de près de 3 000 patients, retraçant à la fois leur historique clinique et leur profil immunologique. « Les compétiteurs de ‘l’allergen chip challenge’ auront pour objectif de développer un algorithme d’intelligence artificielle capable de prédire à la fois la présence, ou l’absence, d’une maladie allergique et sa sévérité, à partir du profil des patients », explique le président de la SFA. Un prix de 25 000 € sera décerné aux équipes ayant fourni les algorithmes les plus efficaces.

Autre outil d’intelligence artificielle collective, AdviceMedica fonctionne depuis 2018 pour les allergologues. « Il fournit une aide pour résoudre des cas cliniques complexes, grâce à l’avis de ses pairs. Plus de 5 000 cas similaires déjà résolus sont répertoriés dans la base de données », indique le Pr Demoly.

Efficacité confirmée de l’immunothérapie sublinguale liquide

L’immunothérapie allergénique est le seul traitement capable de modifier l’allergie durablement pour la faire disparaître. Elle existe depuis plus de cent ans sous forme sous-cutanée. En revanche, l’immunothérapie sublinguale (ITSL), en comprimés (graminées, bouleau, acariens, ambroisie) ou en gouttes (cyprès, olivier, pariétaire, moisissures, chat) est plus récente.

Si la preuve de l’efficacité des comprimés a été faite dans les allergies respiratoires, il existe peu d’essais randomisés en double aveugle (qui posent des difficultés méthodologiques) avec l’ITSL liquide. « En revanche, on dispose de nombreuses données en vie réelle. L’étude EfficApsi, réalisée à partir de la base des données du SNDS sur près de 100 000 patients atteints de rhinite allergique, vient de montrer, avec dix ans de recul, que l’ITSL liquide était associée à une réduction significative du risque d’apparition ou d’aggravation de l’asthme », souligne le Pr Demoly.

« Toutes les données concernant les traitements d’immunothérapie allergénique sont importantes à collecter, pour la prochaine réévaluation de ces médicaments, prévient le Pr Demoly. Un éventuel déremboursement aurait des conséquences très lourdes pour notre spécialité, car les produits servant au traitement sont aussi ceux nécessaires au diagnostic. Les patients seraient les premiers affectés, notamment les enfants. Et la profession, déjà en difficulté, décrocherait définitivement. »

En revanche, en ce qui concerne l’allergie alimentaire, dont l’épidémiologie est exponentielle en sévérité et en complexité, l’immunothérapie orale reste au stade expérimental, que ce soit pour l’arachide, l’œuf ou le lait de vache (lire p. 29). Et il n’y a pas de traitement médicamenteux validé.

Exergue : « Un déremboursement aurait des conséquences très lourdes pour notre spécialité »

Entretien avec le Pr Pascal Demoly, pneumologue, allergologue, CHU de Montpellier, Président de la SFA

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin