L’expertise médicale

De la crise actuelle aux défis à venir

Par
Publié le 20/11/2017
Article réservé aux abonnés

C’est maintenant un rendez-vous bien installé. Les Rencontres de la cancérologie française (RCFr), qui auront lieu les 21 et 22 novembre à Paris, fêteront cette année leur dixième édition. « Et plus que jamais, nous souhaitons que ces Rencontres soient un forum d’échanges et de débats avec une parole libre, d’un monde de la cancérologie largement tourné vers l’extérieur et en particulier vers les associations de patients », explique la Pr Véronique Trillet-Lenoir, présidente des RCFr 2017.

Une crise de l’expertise médicale

Cette année, le fil conducteur des Rencontres sera l’expertise. « C’est un thème qui est au cœur de l’actualité. En effet, on traverse actuellement une crise de l’expertise médicale. Elle est liée en partie au fait que de plus en plus de patients et d’autres professionnels ont désormais accès à l’actualité scientifique. Une succession de crises sanitaires récentes a aussi nourri une défiance d’une partie de l’opinion vis-à-vis des décideurs de santé. Cette défiance est aussi liée à la suspicion de conflits d’intérêts entre les décideurs ou les professionnels de santé et les industriels de la pharmacie », indique la Pr Trillet-Lenoir, en ajoutant que cette crise de l’expertise n’épargne pas les grandes agences sanitaires.

« Elles se plaignent de ne plus trouver suffisamment d’experts dans certains domaines, en faisant valoir que les seuls experts auxquels elles ont accès sont ceux n’ayant qu’une expertise bibliographique. C’est un sujet qui, l’an passé, avait déjà donné lieu à un débat animé sur la confrontation entre expertise bibliographique et expertise de terrain », ajoute la Pr Trillet-Lenoir.

Une défiance collective

Selon elle, cette défiance de l’opinion est davantage collective qu’individuelle. « Dans l’exercice quotidien de la médecine, il y a toujours une grande confiance des patients envers les médecins. C’est particulièrement vrai en cancérologie où, en raison de la chronicité des pathologies, on accompagne les patients souvent sur de longues périodes », indique la Pr Trillet-Lénoir, en ajoutant que cette défiance collective n’est pas sans conséquences. « On le voit en ce moment, elle se traduit d’abord par un mouvement de résistance à la vaccination. Notre discipline est concernée pour la prévention du cancer du col de l’utérus. Aujourd’hui, seulement 15 % des adolescentes en France sont vaccinées contre le HPV contre 60 à 70 % dans les pays anglo-saxons ».

Dans certains cas, la défiance peut aussi pousser certains patients de cancérologie à se tourner vers des médecines traditionnelles pas toujours anodines. « Cela pose un problème quand les patients se détournent des traitements adaptés à leur état », souligne la Pr Trillet-Lenoir.

Des défis physiques et virtuels

Ce thème de l’expertise sera abordé sous plusieurs angles différents. « Nous allons bien sûr évoquer les défis de l’expertise médicale et scientifique mais aussi l’expertise partagée entre les différents professionnels de santé à travers des plates-formes de coordination qu’elles soient virtuelles ou physiques. On parlera aussi de la télémédecine, des consultations ou des RCP qui peuvent être faites via cet outil. On ne peut réfléchir à cette question de l’expertise sans s’intéresser à l’irruption du numérique et de la santé connectée », indique la présidente des RCFr 2017.

Autre thème abordé : l’expertise scientifique des patients. « Dans certaines universités, en particulier Grenoble et Paris-Descartes, des patients interviennent dans les formations des soignants et des médecins pour témoigner de leur savoir expérientiel. Nous nous pencherons aussi sur l’expertise territoriale et du rôle joué dans ce domaine par les cancéropoles. Nous parlerons enfin de l’expertise-métier avec l’émergence notamment de tous ces nouveaux métiers infirmiers », explique la Pr Trillet-Lenoir, en précisant que tous les grands thèmes d’actualité seront bien sûr traités dans les différentes sessions ou ateliers. « Il sera question de médecine moléculaire et d’immunothérapie, des biosimilaires et du coût des molécules ».

D’après un entretien avec la Pr Véronique Trillet-Lenoir, présidente des RCFr 2017, professeur de cancérologie au CHU de Lyon et présidente du cancéropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes.

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du médecin: 9620