Incidence plus élevée mais mortalité réduite : sur le cancer, un bilan français en demi-teinte

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Publié le 03/02/2023
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Crédit photo : Burger/Phanie

En France, l'incidence estimée du cancer est légèrement supérieure à la moyenne européenne (621/100 000 en 2020 contre 569/100 000), mais la mortalité par cancer y est inférieure (239/100 000 contre 247/100 000). C’est l’un des enseignements des premiers « profils » nationaux du cancer, élaborés par la Commission européenne et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publiés le 1er février, à l’approche de la journée mondiale contre le cancer.

Mené dans le cadre du registre européen des inégalités en matière de cancer, ce travail sur les données des États membres de l'Union européenne (UE), ainsi que la Norvège et l'Islande, met en évidence « de grandes inégalités dans les taux de mortalité par cancer entre les pays de l'UE et au sein de ceux-ci ». Sont en cause, une exposition variable aux facteurs de risque et des divergences dans l’accès au diagnostic précoce et à des soins et traitements « de haute qualité ».

Une forte incidence portée par les femmes

En France, le bilan est mitigé. L’incidence du cancer y est portée par l'augmentation des cas signalés chez les femmes. Le taux d'incidence du cancer du poumon chez les femmes a, par exemple, quadruplé entre 1990 et 2018. Mais, dans le même temps, la mortalité y apparaît plus légèrement faible que la moyenne continentale. Entre 2000 et 2016, les années potentielles de vie perdues en raison de tumeurs malignes ont diminué de 26 % (- 33 % chez les hommes et - 14 % chez les femmes).

Les réductions des taux de mortalité sont pourtant jugées « plus lentes » que dans la plupart des pays de l'UE, là encore « principalement en raison de l'évolution de la mortalité par cancer chez les femmes ». « Au cours de la dernière décennie, le taux de mortalité chez les hommes a diminué de 9 % (similaire à la baisse de 10 % dans l'UE), mais il a stagné chez les femmes, tandis que la moyenne de l'UE a baissé de 5 % », est-il noté. Sur la période plus longue de 1990 à 2018, le taux annuel de mortalité a diminué de 1,8 % chez les hommes contre 0,8 % chez les femmes.

Comme dans la plupart des pays, les données du cancer sont un reflet des inégalités sociales. « Cela s'explique en grande partie par la dimension sociale de facteurs de risque tels que le tabagisme, l'exposition professionnelle et l'exposition aux polluants atmosphériques ». La prévalence du tabagisme est l'une des plus élevées de l'UE avec environ un quart des adultes fumeurs en 2020. On y observe un écart de 17 points entre les chômeurs (43 % de fumeurs) et les actifs (25 %). Toujours pour le tabagisme, un écart de 12 points est constaté entre les revenus les plus bas (30 % fumeurs) et les plus élevés (18 %).

La consommation d'alcool reste également plus élevée que dans l'UE (+ 6 % en 2020). Des politiques publiques ont été mises en place, mais elles peuvent manquer d’ambition. La taxation sur le vin est toujours réduite par rapport aux autres pays et la loi Evin de 1991 a subi des assouplissements en 2016 pour permettre certaines publicités sur l’alcool, est-il notamment pointé.

En parallèle, les taux de prévalence de l’obésité et du surpoids restent inférieurs à la plupart des pays européens (en 2019, 47 % contre 53 % dans l’UE) et l’exposition à la pollution de l’air y est plus faible que la moyenne européenne. Mais la France connaît également de faibles taux de la vaccination contre le papillomavirus (HPV) : seules 33 % des filles de 15 ans sont vaccinées, un taux bien en deçà des niveaux des pays voisins comme la Belgique (67 %) et l'Espagne (80 %).

Un « profil » français marqué par les inégalités sociales

Côté dépistage, le programme organisé pour le cancer du sein est plutôt bien suivi (70 % en 2019 contre 66 % en moyenne dans l’UE), alors que les taux de dépistage du cancer du col de l'utérus (60 %) sont proches de la moyenne de l'UE. Les participations aux dépistages organisés sont influencées par les inégalités sociales, est-il relevé. Un écart de 13 points est signalé chez les femmes entre les plus bas et les plus hauts revenus.

En matière de soins, les « performances » sont dans la moyenne européenne, par exemple pour les taux de survie à cinq ans. Mais, là encore, les données sont marquées par un « gradient social pour presque tous les cancers », avec des taux de survie plus faibles dans la plupart des zones défavorisées. « L'écart de survie entre les quintiles les moins et les plus défavorisés atteint 34 % pour le cancer du foie chez les hommes et 59 % pour le cancer des voies biliaires chez les femmes », est-il cité. Et, pour les cancers ciblés par les programmes de dépistage, les inégalités « peuvent résulter d'une moindre participation », entraînant des retards de diagnostic et de prise en charge.

Enfin, l’impact de la pandémie sur le diagnostic et le traitement du cancer en France nécessite une « surveillance étroite » dans les années à venir, « en particulier parmi les populations les plus vulnérables qui font déjà face à de fortes inégalités dans la prise en charge du cancer ».


Source : lequotidiendumedecin.fr