Cancer gynécologique

Lymphœdèmes : diminuer le volume et préserver la qualité de vie

Par
Publié le 08/07/2022
Article réservé aux abonnés
Le service de lymphologie de l'hôpital Cognacq-Jay propose une prise en charge adaptée aux patientes souffrant de lymphœdèmes après cancer gynécologique, prenant en compte leurs spécificités et leur complexité.
La prévention des lymphœdèmes passe aussi par la promotion de la vaccination anti-HPV

La prévention des lymphœdèmes passe aussi par la promotion de la vaccination anti-HPV
Crédit photo : Phanie

Les lymphœdèmes survenant après un cancer gynécologique ont un fort impact sur la qualité de vie au quotidien, mais sont pourtant moins connus que ceux liés au cancer du sein. À l'occasion du centenaire de l'hôpital Cognacq-Jay, le Dr Stéphane Vignes, chef du service de lymphologie, a fait le point sur leurs caractéristiques, alors que son service est le seul en France à proposer une prise en charge spécifique aux patientes.

Les lymphœdèmes se caractérisent par une augmentation de volume liée à une accumulation de lymphe dans les tissus et des modifications tissulaires locales (épaississement cutané, augmentation du tissu adipeux). Elles sont la conséquence des différents traitements du cancer : chirurgie, radiothérapie ou encore curiethérapie endovaginale pour les cancers du col utérin.

« Comparés aux lymphœdèmes après cancer du sein qui touchent principalement un seul membre supérieur, ceux après cancer gynécologique touchent généralement les deux membres inférieurs et peuvent remonter au niveau du pelvis, jusqu'à l'abdomen. Ils peuvent aussi toucher les organes génitaux externes », détaille le Dr Vignes.

Le lymphœdème peut s’associer à d’autres effets indésirables des traitements avec des conséquences sur le plan sexuel à cause de l'atrophie du vagin, sur le plan urinaire du fait d'une vessie radique, avec un besoin fréquent d'uriner, mais aussi parfois une atteinte au niveau du rectum, avec des troubles sphinctériens, liste le spécialiste. Ces atteintes peuvent par ailleurs durer dans le temps, entraînant une maladie chronique touchant plusieurs organes.

Prise en charge complexe

« Les lymphœdèmes après cancer gynécologique ont un retentissement majeur sur la vie des femmes, en touchant à leur intimité et à leur sexualité, mais ils restent encore mal connus par rapport aux lymphœdèmes du membre supérieur après cancer du sein qui concernent davantage de patientes », souligne le Dr Vignes.

Le traitement de ces lymphœdèmes est particulièrement complexe. « On ne peut pas les guérir, mais on peut tenter d'en réduire le volume par la compression ou par des techniques chirurgicales qui permettent d'enlever l'excès de peau induite par les lymphœdèmes », poursuit le médecin.

Concernant la première approche, le service de lymphologie utilise la compression élastique pour diminuer le volume du lymphœdème au niveau proximal, c'est-à-dire au niveau du ventre, de l'abdomen ou du haut des cuisses. « Comprimer ces zones est techniquement plus difficile que la compression d'un seul membre comme la jambe ou le bras, précise le Dr Vignes. Notre approche doit être efficace tout en étant tolérable. »

Afin de permettre aux femmes de retrouver une vie la plus normale possible, « nous essayons de trouver la meilleure stratégie combinée pour améliorer leur qualité de vie et empêcher l'aggravation du volume qui peut survenir dans le temps », résume-t-il.

Désescalade thérapeutique

Les importants progrès en cancérologie et la tendance à la désescalade thérapeutique devraient contribuer à limiter les conséquences des traitements des cancers gynécologiques. « Des études de protocoles visant à faire moins d'exérèses des ganglions lymphatiques et à doser mieux la radiothérapie sont par exemple en cours. On espère parvenir à améliorer la prise en charge avant 2030, à être moins délétères avec les traitements, pour un jour peut-être ne plus avoir à traiter les lymphœdèmes après cancer », avance le Dr Vignes.

Une autre approche pour prévenir ces lymphœdèmes est la promotion de la vaccination anti-HPV, alors que le cancer du col utérin touche encore 3 000 femmes par an en France. « En France, on est encore très frileux, alors que le HPV est aussi responsable du cancer de l'anus et de cancers ORL », déplore le spécialiste, qui rêve de l'éradication de ces cancers HPV-induits.

Le service de lymphologie de l'hôpital Cognacq-Jay prend en charge les femmes souffrant de séquelles liées aux cancers gynécologiques depuis les années 1970, rappelle le spécialiste. « Ces femmes représentent aujourd'hui 80 % de notre patientèle. On constate une tendance à la décroissance des lymphœdèmes après cancer du sein, mais malheureusement une légère hausse après cancers pelviens et mélanome », observe-t-il.

Quant aux autres 20 %, il s'agit d'enfants et adolescents atteints de lymphœdèmes primaires, « ces anomalies constitutionnelles lymphatiques pour lesquelles l'hôpital Cognacq-Jay est centre de référence national », souligne le Dr Vignes.

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin