Évolution thérapeutique

Mélanome : de multiples avancées

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Publié le 18/11/2022
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Au stade métastatique, les traitements des mélanomes ont considérablement progressé, grâce aux immunothérapies et thérapies ciblées. En situation adjuvante, les dernières analyses à long terme sont aujourd’hui très encourageantes. Mais selon les derniers essais, l’avenir pourrait se tourner vers un recours à l’immunothérapie néoadjuvante.

Crédit photo : phanie

Depuis les années 2010-2015, les immunothérapies (anti-PD1 seul ou associé à un anti-CTLA4) ont révolutionné la prise en charge des mélanomes métastatiques. Il en est de même des thérapies ciblées (drabrafenib-trametinib, encorafinib-binimetinib…), administrées en cas de mutation BRAF V600 (retrouvée chez environ 40 % des patients). « Douze molécules ont ainsi obtenu une AMM, précise la Pr Céleste Lebbe (hôpital Saint-Louis, Paris). Et on dispose aujourd’hui des données à long terme de nombreuses études pivots ».

Notamment, l’étude pivotale CheckMate 067 montre, à 72 mois, des résultats cliniques durables et améliorés avec l’association nivolumab-ipilimumab (nivo-ipi) par rapport à la monothérapie par nivolumab (nivo) ou ipilimumab (ipi), chez les patients atteints de mélanome avancé (1). Avec l’association, le taux de survie globale à 6,5 ans est de 56 %. « L’association est plus efficace, mais plus toxique. Environ la moitié des patients présente des événements indésirables de grade 3-4. Un tiers des patients arrête leur traitement pour toxicité, remarque la Pr Lebbe. Nous avons donc voulu tester, dans l’étude CheckMate 511, le dosage nivo 3 mg/kg et ipi 1 mg/kg, par rapport à la posologie déjà approuvée (nivo 1 mg/kg, ipi 3 mg/kg). La toxicité est moindre et les résultats d’efficacité semblent similaires » (2).

Quelle stratégie adopter ?

Par ailleurs, des études de stratégie thérapeutique ont été récemment menées. L’étude DREAMseq (3) a ainsi montré que la séquence impliquant un traitement initial par immunothérapie (nivo-ipi) entraînait une amélioration de 20 % de la survie globale à deux ans, par rapport à une thérapie initiale par inhibiteurs de BRAF/MEK (drabrafenib-trametinib). L’essai de stratégie SECOMBIT va dans le même sens et la recommandation est de réserver le traitement ciblé en seconde ligne (4). La thérapie ciblée peut donner des taux de réponse élevés, mais ils sont souvent de durée limitée. À l’inverse, l’immunothérapie est associée à des taux de réponse plus faibles, mais plus durables.

Une nouvelle combinaison, avec moins de toxicités, vient d’être approuvée en Europe. Il s’agit de l’association à dose fixe de relatlimab (anticorps anti LAG-3) et nivolumab, autorisée en première intention dans le mélanome avancé, PDL-1 négatif (<1 %), suite aux résultats de l’étude RELATIVITY-047 (5).

Un bénéfice à long terme en adjuvant

La thérapie adjuvante est aujourd’hui utilisée pour une durée d’un an, dans le mélanome de stade III réséqué, compte tenu des approbations du pembrolizumab, du nivolumab et de l’association dabrafenib-trametinib.

Selon les derniers résultats à cinq ans de l’étude KEYNOTE-054, le pembrolizumab était toujours associé à une survie sans récidive (SSR) plus longue que le placebo, avec un taux de SSR de 55,4 % et un risque relatif de récidive ou de décès de 0,61 (6). À quatre ans, les résultats sont également positifs pour le nivolumab en adjuvant (versus ipilimumab) dans l’étude CheckMate 238 (7). À cinq ans, c’est aussi le cas pour l’association dabrafenib-trametinib (versus placebo) dans l’essai COMBI-AD (8) : taux de SSR de 51 % et survie sans métastase de 65 % (voir tableau). « Dans l’étude KEYNOTE-716, le pembrolizumab vient également de montrer son efficacité en adjuvant pour le mélanome de stade IIB ou IIC, avec une réduction significative du risque de récidive ou de survie sans métastase à distance, par rapport au placebo (9). Il a obtenu une AMM et nous espérons son remboursement prochainement. Le nivolumab est aussi en cours d’essais dans cette indication », explique la Pr Céleste Lebbe.

Pembrolizumab en néoadjuvant

Présentés récemment au congrès européen d’oncologie (ESMO), les résultats de l’essai de phase 2 SWOG S 1 801 ont mis en évidence une meilleure survie sans évènement (SSE) avec le pembrolizumab en néoadjuvant (trois doses avant la chirurgie et 15 doses après), par rapport à son administration adjuvante (18 doses après la chirurgie), chez les patients atteints de mélanome de stade résécable III-IV (10). « À deux ans, la SSE était de 72 % pour le pembrolizumab néoadjuvant et de 49 % dans le bras adjuvant. Ces résultats très significatifs entraîneront certainement un changement de nos pratiques », commente la Pr Lebbe.

Dans le carcinome épidermoïde cutané de stade II à IV, le cemiplimab vient de montrer son efficacité en néoadjuvant, dans un essai de phase 2 présenté à l’ESMO 2022. Une réponse complète a été observée chez 63 % des patients (11).

(1) Wolchok JD et al. JCO 2022 Jan 10;40(2):127-37.
(2) Lebbe C et al. JCO 2019 Apr 10;37(11):867-75.
(3) Atkins M B et al. ASCO 2021, abst 356154.
(4) Ascierto PA et al. JCO 2022 Sep 1;JCO2102961.
(5) Tawbi HA et al. NEJM 2022 ;386:24-34.
(6) Eggermont A et al. NEJM 2022 Sep 10.
(7) Larkin J et al. EJC 2022 vol 173:285-96.
(8) Dummer R et al. NEJM 2020;383(12):1139-48.
(9) Long GV. Et al. ASCO 2022, abst LBA9500.
(10) Patel S et al. ESMO 2022, abst LBA6.
(11) Gross N et al. ESMO 2022, abstract 7890.

Christine Fallet

Source : Bilan Spécialiste