Myélome : la croissance exponentielle des anticorps bispécifiques

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Publié le 10/02/2023
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Dans le myélome, la tendance est à la double cible, qu’il s’agisse des CAR-T cells ou des anticorps bispécifiques. Les plus avancés des anticorps bispécifiques, visant l’antigène de maturation des lymphocytes B et CD3 (anti-BCMA × CD3), confirment leur intérêt. Mais d’autres pourraient venir les concurrencer. En effet, un anticorps bispécifique se distingue, en ne ciblant plus le BCMA mais un autre récepteur.
La corticothérapie au long cours pourrait être évitée dans la prise en charge du myélome

La corticothérapie au long cours pourrait être évitée dans la prise en charge du myélome
Crédit photo : CNRI/SPL/PHANIE

Plusieurs anticorps bispécifiques anti-BCMA × CD3 ont été présentés, en étude de phase I, dans le myélome multiple en rechute ou réfractaire (MMRR), comme l’ABBV-383, le REGN5458 et l’alnuctamab. L’ABBV-383 entraîne un taux de réponse globale de 50 à 75 % selon la dose, dont une majorité de réponses complètes, mais il s’associe avec un syndrome de relargage cytokinique dans 72 à 83 % des cas (aucun de grade 3) et des infections chez la moitié des patients après un suivi médian de 17 mois (1).

L’elranatamab, administré en sous-cutané, a confirmé ses promesses dans l'essai pivot de phase II MagnetisMM-3. La réponse clinique et biologique est durable chez les patients atteints de MMRR. Le taux de réponse est de 64 % à un an, avec 38 % de réponses complètes et une maladie résiduelle (MRD) indétectable (négative) dans 100 % des cas (2). Il s’agissait de patients déjà lourdement traités (cinq traitements antérieurs en moyenne), dont 24 % par un anti-BCMA, avec dans ce cas 54 % de réponses (46 % avec au minimum une très bonne réponse partielle). Le pourcentage de syndrome de relargage cytokinique est de 67 %, mais limité aux grades 1 et 2. « Ces résultats soutiennent le développement ultérieur de l'elranatamab pour les patients atteints de myélome », se félicite la Dr Noopur Raje (Boston). 

Une nouvelle cible thérapeutique

Le talquetamab est un anticorps bispécifique anti-CD3, qui ne cible pas le BCMA mais un récepteur couplé à la protéine G, le GPRC5D (membre D du groupe 5 de la famille C), exprimé fortement et sélectivement par les plasmocytes myélomateux. Dans l’essai de phase I/II MonumenTAL-1, cet anti-CD3/GPRC5D permet une réponse chez les trois quarts des patients atteints de MMRR, avec au moins une réponse complète dans 30 % des cas et une très bonne réponse partielle pour 60 % des sujets (3,4). La médiane de la durée de la réponse est de 9,3 mois actuellement. « Le taux de réponse est supérieur à celui obtenu avec les autres thérapeutiques, chez des patients ayant reçu au moins trois lignes de traitements, y compris chez ceux ayant été traités par anti-BCMA », remarque le Dr Ajai Chari (New York). L’efficacité est toutefois associée à un certain nombre d’effets indésirables, avec 75 % de syndrome de relargage cytokinique et surtout des éruptions cutanées, des anomalies unguéales et des dysgueusies (peu graves mais altérant la qualité de vie). Des études sont en cours pour évaluer le talquetamab en association avec d’autres molécules, à des stades plus précoces du myélome.

Épargner les corticoïdes chez le sujet âgé

La corticothérapie au long cours pourrait être évitée dans la prise en charge du myélome, en particulier chez les sujets âgés, selon l’étude française de phase III IFM 2017-03. Menée chez 295 patients âgés de plus de 65 ans (âge médian de 81 ans) et vulnérables, elle a comparé l’association lenalidomide/dexamethasone jusqu’à la progression de la maladie, à l’association lenalidomide/daratumumab et seulement deux mois de corticothérapie (5). Selon les résultats de l’analyse intermédiaire, le pourcentage de réponse globale était de 89 % avec lenalidomide/daratumumab versus 77 % sous lenalidomide/dexamethasone (p = 0,025). À 12 mois, le taux de très bonne réponse partielle est de 58 % versus 42 % (p = 0,013). La supériorité du lenalidomide/daratumumab se retrouve dans tous les sous-groupes, quel que soit le statut clinique ou tumoral. Parmi les patients ayant au minimum une très bonne réponse partielle, sur les 63 dont la MRD est évaluable par NGS, celle-ci est négative (MRD < 10-5) pour 33 % versus 18 % (p = 0,36). La tolérance est bonne, avec sous lenalidomide/daratumumab un peu plus d’anémie et de neutropénie mais un nombre identique d’infections de grade ≥ 3 (17 % versus 13 %, p = 0,38). « Dans cet essai dédié aux patients fragiles atteints de myélome multiple nouvellement diagnostiqué, un schéma associant daratumumab et lénalidomide et épargnant la dexaméthasone apporte des réponses profondes et rapides, avec un profil de sécurité favorable », conclut le Dr Salomon Manier (Lille).

(1) Voorhees P M et al, ASH 2022, Abstract 1919
(2) Raje N et al, ASH 2022, Abstract 158
(3) Chari A et al, ASH 2022, Abstract 157
(4) Chari A et al, N Engl J Med 2022; 387:2232-2244
(5) Manier S et al, ASH 2022, Abstract 569

Dr Maia Bovard Gouffrant
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Source : Le Quotidien du médecin