Urologie : pour une surveillance active du cancer de la prostate

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Publié le 24/02/2022
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La surveillance active est une option thérapeutique curative des cancers de la prostate de faible risque évolutif. Il s’agit de préserver la qualité de vie, une préoccupation majeure pour les urologues qui veulent protéger l’état fonctionnel des patients.
Le PSA est un très mauvais outil de surveillance à cause de sa fluctuation

Le PSA est un très mauvais outil de surveillance à cause de sa fluctuation
Crédit photo : phanie

Dans l’historique du cancer de la prostate, le dosage précoce de l'antigène prostatique spécifique (PSA) a permis d’identifier plus tôt les tumeurs. Parallèlement, les stratégies curatives (chirurgie, radiothérapie) se sont développées, amenant parfois à parler de sur-diagnostic et de sur-traitement. « Ce n’est que progressivement que l’on s’est aperçu qu’il existait des formes de cancer de la prostate très diverses suivant leur présentation et que certaines avaient une très faible agressivité, souligne le Pr Pierre Mongiat-Artus, CHU Saint-Louis (Paris) et trésorier adjoint de l’Association française d'urologie (AFU) . Le concept de surveillance active est ainsi apparu. Les urologues se sont donnés la peine de chercher à préserver la qualité de vie des patients ». En effet, la surveillance active est une prise en charge curative ayant pour objectif de préserver la qualité de vie du patient en reportant un traitement radical à une éventuelle progression, sans perte de chance de guérison. « La protection de l’état fonctionnel des patients est la grande préoccupation des urologues. L’objectif est de traiter les cancers agressifs le nécessitant précocement et seulement ceux-là », ajoute le Pr Mongiat-Artus.

La classification de D'Amico permet d'estimer, pour les tumeurs localisées, le risque de progression et de classer les patients selon trois catégories de risque : faible, intermédiaire et élevé.

Inclure sans restrictions les patients éligibles

Différents essais ont été menés sur des cohortes de patients éligibles à la surveillance active, avec des critères de sélection très hétérogènes (études de Toronto, PRIAS…). Les critères sont en général basés sur l’examen clinique, le PSA total, la densité du PSA, le score de Gleason ou la classification d’ISUP, la charge tumorale sur les biopsies… Mais les seuils variant selon les études, la comparaison est impossible. Le risque de développer des métastases, sous surveillance active à cinq ans est au maximum de 50 %, avec des critères très élargis.

En pratique clinique, il faut raisonner autrement que dans les études. « Il ne faut pas confondre les critères d’inclusion dans un essai et ceux de décision clinique », distingue le Pr Pierre Mongiat-Artus. Le but des critères est de sélectionner au mieux la population à bas risque, sans restreindre de façon drastique le nombre de patients éligibles. 

Ainsi, en clinique, l’âge ne doit pas être un critère de choix, de même que le profil psychologique. La survie à 10 ans est un bon critère mais elle est parfois difficile à estimer. Le toucher rectal (TR < cT2c) semble aussi être un bon critère. Quant à la biologie, le PSA total inférieur à 10 ng/ml est généralement retenu, mais il ne constitue cependant pas un critère de choix isolément (jusqu’à 20 ng/ml). La cinétique du PSA n’est pas non plus un critère de choix.

IRM-mp et biopsies ciblées

En revanche, l’imagerie est aujourd’hui une aide précieuse. L’IRM multiparamétrique (IRM-mp) permet d’améliorer de façon considérable l’évaluation pathologique du cancer de la prostate et oriente éventuellement la réalisation de biopsies ciblées. Ainsi, les biopsies sont réservées à des patients déjà sélectionnés. L’ISUP 1 est un critère consensuel.  « Actuellement, l’utilisation de l’IRM-mp et des biopsies ciblées permet d’améliorer la description du cancer mais cette méthode n’a pas encore été validée de façon prospective, ajoute le Pr Mongiat-Artus. Il est beaucoup plus facile de définir des critères négatifs, pour lesquels les patients ne sont pas de bons candidats à la surveillance active, que des critères positifs ».

La surveillance active est depuis plusieurs années intégrée aux recommandations des sociétés savantes françaises et européennes d'urologie (AFU, EAU). Une fiche de pertinence des soins va bientôt être publiée : elle recommande de proposer systématiquement la surveillance active aux patients répondant aux critères de faible risque, en l'absence de critères d’exclusion.

Une surveillance personnalisée

« Toute la difficulté est d’obtenir l’adhésion du patient pour la surveillance active. Dès le départ, il faut anticiper et bien lui expliquer cette option, avant les résultats de la biopsie. S’il a un cancer, il faut lui préciser que dans un cas sur deux il n’aura pas besoin d’un traitement immédiat », conseille l'urologue.

Variables d’une étude à l’autre, les modalités de surveillance active reposent sur la clinique : suivi de la tolérance (une fois par an) mais avec une fréquence différente selon le profil psychologique. « Il faut vérifier que le patient a une bonne qualité de vie et que sa tumeur ne progresse pas. Le PSA est un très mauvais outil de surveillance à cause de sa fluctuation, précise le spécialiste. Une IRM-mp est faite au bout d’un an (critères spécifiques de progression consensuels) ainsi qu’une biopsie cibléeIl faut la confirmation histologique d’une progression de la maladie pour avoir la certitude que le patient change de catégorie de risque, et pouvoir lui proposer alors un traitement actif ».

Lorsque le patient sort du protocole de surveillance active, il peut avoir un traitement actif curatif ou un traitement palliatif, qui sera alors une surveillance simple.  

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin