2 000 opérations par an « minimum » : après l'obtention du marquage CE, la prothèse cardiaque totale Carmat affiche ses ambitions

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Publié le 06/01/2021

Crédit photo : AFP

La société Carmat espère traiter au moins 2 000 patients par an avec son cœur artificiel total, selon le plan de développement présenté à la presse deux semaines après l'obtention de son marquage CE. Les patients concernés seront, dans un premier temps, exclusivement français et surtout allemands.

« En Allemagne, on compte 700 patients sur liste d'attente de greffon, et 900 en France », selon les données de l'Agence de la biomédecine, détaille Stéphane Piat, directeur général de Carmat. C'est à partir de ces chiffres que l'entreprise est parvenue à son estimation de 2 000 patients greffés par an dans ces deux pays. « L'inscription sur ces listes est très contrôlée, et elles seraient en réalité deux à trois fois plus longues s’il y avait suffisamment de cœurs disponibles ou s'il existait une alternative à la greffe cardiaque, poursuit Stéphane Piat. Ce chiffre est donc vraiment un minimum à atteindre. »

Une nouvelle classe de dispositif médical

Pour son directeur général, la société Carmat est en train de créer une nouvelle classe thérapeutique. Il ne voit pas le cœur artificiel autonome comme un « Total Artificial Heart » (TAH) mais comme un « Physiological Heart Replacement Therapy » (PHRT). En plus des fonctions circulatoires assurées par les TAH, « notre cœur assure aussi une fonction d'autorégulation et d'hémocompatibilité », argumente-t-il. Les patients visés par Carmat sont des patients souffrant d'insuffisance cardiaque terminale qui garderont la prothèse dans l'attente d'un greffon, ainsi que des patients de destination qui garderont le cœur artificiel jusqu'à leur décès.

Ces catégories sont difficiles à distinguer, les patients de la première devenant fréquemment des patients de la seconde, et ce d'autant plus que « plus le temps passe, plus il est difficile d'envisager une explantation », explique Stéphane Piat. Le marquage CE couvre un groupe assez large de patients, compris dans les catégories de 1 à 4 de la classification INTERMACS*. La balle est maintenant dans le camp des autorités de santé des différents pays de l'Union européenne (UE) pour se prononcer sur les publics concernés - la Russie, l'Azerbaïdjan et d'autres pays d'Asie centrale reconnaissent également le marquage CE. En France, un accord a été trouvé avec la Haute Autorité de santé (HAS), et l'essai EFICAS mené sur 52 patients devrait débuter au 2e trimestre 2021. Un financement public de 13 millions, sur les 20 millions que va coûter l'étude, a été accordé à la société.

Un prix et un remboursement à négocier

EFICAS est une étude médico-économique dont les conclusions pèseront lourd sur les discussions entre Carmat et la commission de la transparence de la HAS concernant le prix et le remboursement du dispositif. La société précise qu'aucun patient français ne sera greffé en dehors des 52 de l'étude EFICAS, à qui le dispositif sera fourni gratuitement, tant qu'un prix ne sera pas négocié. En parallèle, l'entreprise espère terminer son étude pivot sur 20 patients (dont 15 ont déjà été implantés) et dont les résultats intermédiaires ont soutenu l'obtention du marquage CE.

En Allemagne, 20 centres se sont manifestés auprès de la société qui va entamer des programmes de formation et déployer des aides à la négociation avec les compagnies d'assurance privées outre-Rhin.

Une étude de suivi clinique post-commercialisation (SCAC) va également être lancée au 2e trimestre en Allemagne puis en France, avec pour objectif 95 patients suivis. Enfin, aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a exigé une étude de faisabilité sur dix patients, dont une première série de trois patients sera greffée à partir de février 2021. Les sept autres ne pourront être recrutés que si la FDA est satisfaite des données de suivi des trois premiers patients. « Trois centres situés à Pittsburgh sont en ce moment en train de former leurs équipes sur des modèles animaux », indique Stéphane Piat.

Phase industrielle

« On entre dans une phase de transformation de notre start-up en société industrielle », explique Stéphane Piat qui précise que la société a procédé à de nombreuses embauches visant à augmenter la production et le contrôle-qualité. L'usine française de Bois d'Arcy (Yvelines) va produire 400 cœurs par an, et les autres cœurs seront produits dans une unité à Vélizy-Villacoublay (Yvelines). Le développement de la production vise « une marge de 70 % sur chaque cœur artificiel, », relève Stéphane Piat lors d'un échange avec des actionnaires.

La société Carmat espère être en mesure de poser dix nouvelles prothèses cardiaques par mois d'ici à la fin de l'année. * Interagency Registry for Mechanically Assisted Circulatory Support


Source : lequotidiendumedecin.fr