Insuffisance cardiaque

Les inhibiteurs de SGLT2 efficaces en cas de fraction d'éjection préservée

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Publié le 15/09/2022

L’insuffisance cardiaque (IC) à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), modérément altérée ou préservée (50 % des IC), ne bénéficiait pas jusqu’à récemment de traitement spécifique. Les arguments en faveur de la prescription des inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2) étaient moins probants que dans l’IC à FEVG réduite. Mais de nouvelles preuves, présentées au congrès de l'ESC, confortent aujourd’hui leur efficacité quelle que soit la FEVG…

Crédit photo : phanie

Après l’essai EMPEROR-Preserved en 2021 sur l’empaglifozine, l’étude DELIVER montre l’intérêt de la dapagliflozine chez les patients dont la FEVG est d’au moins 40 %.

Moins de décès sous dapagliflozine

Cet essai international a recruté 6 263 patients souffrant d'IC à fonction systolique préservée (ICFSP) et recevant déjà un traitement optimal. La FEVG était en moyenne de 54 %. Après un suivi médian de 2,3 ans, la diminution des décès cardiovasculaires (CV) et de l’aggravation de l’IC (critère principal) est significative : 16,4 % sous dapagliflozine versus 19,5 % sous placebo (p < 0,001). Plus précisément, l’aggravation de l’IC est de 11,8 % sous dapagliflozine (versus 14,5 %) et les décès CV s’élèvent à 7,4 % (versus 8,3 %). Parallèlement, la dapagliflozine permet de réduire les hospitalisations et la symptomatologie. Ce bénéfice se retrouve dans tous les sous-groupes, quelles que soient la FEVG et l’histoire de la maladie.

Deux méta-analyses sur plus de 10 000 patients

Les essais cliniques n’ayant individuellement pas la puissance suffisante pour mettre en évidence la baisse de la mortalité CV et des autres critères secondaires sous gliflozines, des méta-analyses lèvent le doute.

Les résultats poolés des essais DAPA-HF (FEVG < 40 %) et DELIVER ont porté sur plus de 11 000 patients. Après un suivi médian de 1,8 an, la dapagliflozine réduit la mortalité CV de 14 % (p = 0,01), la mortalité totale de 10 % (p = 0,03), les hospitalisations pour IC de 29 % (p < 0,001) et les évènements CV majeurs de 11 % (p = 0,045). « Cette méta-analyse confirme que tous les insuffisants cardiaques bénéficient de la dapagliflozine, indépendamment de la FEVG et des autres traitements de l’IC qu’ils reçoivent », se félicite le Pr Pardeep Jhund (Royaume Uni).

Une autre méta-analyse combine les résultats de l’empagliflozine et de la dapagliflozine sur les IC à FEVG préservée ou modérément réduite. Chez plus de 12 000 patients, inclus dans les essais DELIVER et EMPEROR-Preserved, la dapagliflozine et l’empagliflozine réduisent significativement les évènements CV majeurs dans l’IC à FEVG moyennement réduite ou conservée. Après un suivi moyen de 2,2 à 2,3 ans, la diminution des événements du critère primaire est de 20 % (p < 0,001), avec une réduction plus importante des hospitalisations (HR = 0,74) que de la mortalité CV (qui reste cependant significative, HR=0,88). Pour les critères secondaires, les iSGLT2 réduisent les hospitalisations de 27 %, les consultations en urgence pour IC de 35 %, et les hospitalisations de toute cause de 7 %. Par ailleurs, la qualité de vie est améliorée. Il n’a pas été observé d’effets sur la mortalité de toute cause, ni d’alerte sur d’éventuels effets indésirables. Ces résultats sont cohérents, quels que soient la FEVG ou les sous-groupes de patients, « ce qui donne des arguments forts en faveur des iSGLT2 dans les IC à FEVG supérieures à 40 % », conclut le Dr Muthiah Vaduganathan (États-Unis).

Et dans la vraie vie ?

Les résultats des différents essais cliniques ont amené l’agence européenne du médicament (EMA) à étendre les indications des iSGLT2 aux patients avec ICFSP. Mais il manque des données en vraie vie, où les patients diffèrent généralement des populations des essais.

Une étude observationnelle rétrospective a été menée sur 206 patients en IC, parmi lesquels 72 patients (35 % de la cohorte) ont une ICFSP, qui correspond pour 13 d’entre eux aux critères d’inclusion de l’essai EMPEROR-Preserved, 12 à ceux de DELIVER et 71 à ceux de l’EMEA (fraction d’éjection > 40 % et débit de filtration glomérulaire estimé [DFGe] > 20 ml/min). Parmi les patients traités par iSGLT2, ceux correspondant aux critères de l'EMEA sont bien plus nombreux puisqu'ils représentent la quasi-totalité des ICFSP, alors que seule une faible proportion (17 à 18 %) remplit les critères exigés par les essais cliniques (des niveaux élevés de NT-proBNP n’étant pas exigés par l’EMA). Ainsi, par rapport aux essais, la population est différente en vraie vie, significativement plus jeune (67,3 ans versus 72 ans dans les études), avec une FEVG plus basse (50,2 % versus 54 %), le DFGe étant similaire. « Ces données devront être vérifiées par des registres nationaux et internationaux », rappelle le Dr Roberto Tarantini (Italie).

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr