Quel bilan cardiaque avant chirurgie ?

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Publié le 23/10/2022

Se préoccuper de l’état cardiologique d’un patient avant un geste chirurgical non cardiaque fait quasiment partie de la routine. Mais quand demander un avis cardiologique et quels examens réaliser ? Comment gérer les traitements et les éventuelles pathologies avant l’intervention ? La Société européenne de cardiologie (ESC) présentait cette année ses recommandations sur l’évaluation du risque cardiovasculaire en préopératoire et la conduite à tenir (1).

Le risque de complications dépend du geste chirurgical, de son contexte, et du statut clinique du patient

Le risque de complications dépend du geste chirurgical, de son contexte, et du statut clinique du patient
Crédit photo : phanie

Les complications cardiovasculaires (CV) majeures après chirurgie non cardiaque sont fréquentes : infarctus du myocarde (IDM), insuffisance cardiaque (IC) aiguë, thromboses, troubles du rythme, embolie pulmonaire, accidents vasculaires cérébraux et décès. En Europe, leur nombre annuel est estimé à plus de 660 000. Aux États-Unis, elles surviendraient dans un cas sur 33. Or, les dernières recommandations relatives à leur prise en charge dataient de 2014. Même si les études dans ce contexte chirurgical sont relativement rares, des données plus complètes permettent maintenant de proposer une stratégie standardisée, fondée sur des preuves, pour réduire ces complications CV périopératoires.

Prendre en compte le patient et l’opération

Le risque de complications dépend du geste chirurgical, de son contexte, et du statut clinique du patient. Or, les interventions chirurgicales sont réalisées chez des patients de plus en plus âgés, avec des facteurs de risque CV (FRCV) et des comorbidités plus fréquentes. L’évaluation préopératoire du risque lié au patient repose sur l’examen clinique, l’interrogatoire et la biologie standard. La place des examens complémentaires (dosage des biomarqueurs, imagerie et tests fonctionnels) dépend du risque du patient et du geste opératoire. Différents scores de risque évaluent le risque chirurgical. L’ESC n’en recommande pas un en particulier, mais préconise de se baser sur l’âge du patient, ses FRCV, et l’existence ou non de pathologies CV avérées. « Elle insiste aussi sur l’importance d’un dépistage de la fragilité, facteur prédictif essentiel du pronostic après chirurgie, dans la population la plus âgée », insiste la Pr Julinda Mehilli (Allemagne).

Le risque chirurgical est stratifié selon la probabilité de survenue d’une complication CV grave dans les 30 jours suivant l’intervention : il est faible en dessous de 1 %, intermédiaire de 1 % à 5 % et élevé au-delà de 5 %. Par exemple, la chirurgie du genou est à faible risque, une greffe de rein à risque intermédiaire et une greffe de poumon à risque élevé.

Il convient aussi de prendre en compte le point de vue du patient, sa qualité de vie avant et après la chirurgie. Les patients doivent être parfaitement informés et impliqués dans les décisions. Ils doivent recevoir des instructions individualisées, claires et concises, concernant les éventuelles modifications de leurs traitements pré- et postopératoires. 

Attention chez les plus de 65 ans

Globalement, un bilan autre que clinique n’est pas systématique chez les moins de 65 ans sans FRCV, ni pathologies CV, avant une chirurgie à risque bas ou modéré. Par contre, chez les personnes entre 45 et 65 ans, un électrocardiogramme (ECG) et le dosage de la troponine doivent être envisagés avant une chirurgie non cardiaque à haut risque, même en l’absence de FRCV, de symptômes ou d’antécédents de maladie CV. Chez les plus de 65 ans, on peut se dispenser d’un bilan, même en cas de FRCV ou de pathologie CV authentifiée, si la chirurgie est à bas risque. Par contre, il est indispensable de réaliser un ECG, le dosage du BNP et NTproBNP, ainsi qu’une évaluation fonctionnelle, si l’opération est à risque intermédiaire ou élevé. Une consultation cardiologique et une décision multidisciplinaire s’imposent en cas de maladie CV et de chirurgie à haut risque. Devant des FRCV ou une pathologie CV, le dosage de la troponine sera demandé en préopératoire, pour évaluer le risque, et en périopératoire, pour dépister un IDM. 

Réduire les risques périopératoires

En présence de FRCV ou de pathologie CV lors d’une chirurgie à risque intermédiaire ou élevé, toutes les mesures doivent être prises pour diminuer le risque de complications CV. Ainsi, l'arrêt du tabac est conseillé plus de quatre semaines avant la chirurgie. L’IC, l’hypertension artérielle, la dyslipidémie et le diabète doivent être contrôlés. L’anémie est à corriger.

Il faut informer les patients, sous anticoagulants ou antithrombotiques, de la nécessité d’interrompre ou de poursuivre leur traitement avant et après la chirurgie. L’arrêt des inhibiteurs de P2Y12 dépend du temps écoulé depuis leur instauration. Le passage des anticoagulants à l’héparine se justifie si la personne, ou la chirurgie, est à haut risque thrombotique.

L’instauration d’un bêtabloquant en périopératoire n’est pas recommandée. En l’absence d’IC, les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone seront arrêtés le jour de l’intervention, pour éviter une hypotension périopératoire. Les inhibiteurs de SGLT2 seront interrompus au moins trois jours avant une intervention à risque intermédiaire ou élevé.

Les arythmies feront l’objet d’un bilan préopératoire, mais le traitement doit être poursuivi. Les porteurs de pacemakers ou de défibrillateurs automatiques implantables bénéficieront d’une évaluation de leur matériel, et si nécessaire d’une reprogrammation.

Un geste préalable sur les coronaires ou les valves ?

Chez les coronariens, la décision d’un examen invasif, ou de la revascularisation par stents ou pontage avant l’intervention non cardiaque, doit être individualisée en fonction de la symptomatologie et de l’état des coronaires. Selon la sévérité du rétrécissement aortique et les symptômes, on peut être amené à proposer une réparation valvulaire par chirurgie ou par voie percutanée (TAVI), voire par une dilatation au ballon si l’intervention ne peut être différée. Le remplacement valvulaire doit aussi être envisagé en cas d’insuffisance mitrale sévère.

« Un nouveau chapitre fait son entrée dans ces recommandations : la prise en charge de symptômes d’apparition récente comme un souffle, un angor, une dyspnée ou un œdème périphérique. Les patients doivent bénéficier d’une échographie transœsophagienne, en fonction de la symptomatologie et du risque lié à la chirurgie », note la Pr Sigrun Halvorsen (Norvège).

(1) Halvorsen S et al. 2022 ESC Guidelines on cardiovascular assessment and management of patients undergoing non-cardiac surgery. Eur Heart J. (2022) 00, 1–99

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin