Après décompensation cardiaque

Rompre le cercle vicieux des réhospitalisations

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Publié le 17/02/2020
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Le premier mois après la sortie d'une hospitalisation pour insuffisance cardiaque aiguë  est crucial pour éviter une nouvelle hospitalisation, qui concerne de 20 à 30 % des patients. Une surveillance étroite et précoce est de mise, qui doit s’appuyer sur une organisation pluriprofessionnelle.
30 à 40 % des réhospitalisations précoces pourraient être évitées

30 à 40 % des réhospitalisations précoces pourraient être évitées
Crédit photo : Phanie

La mortalité liée à l’insuffisance cardiaque (IC) est maximale après une hospitalisation pour décompensation. Elle est en effet estimée entre 20 et 30 % dans la première année qui suit un séjour hospitalier, contre 10 % par an en l’absence d’hospitalisation. Le taux de réadmission à un an est lui aussi très élevé, de 40 à 50 %, et chaque nouvelle hospitalisation est associée à une aggravation du pronostic. « Or, de 30 à 40 % des réhospitalisations précoces pourraient être évitées », a indiqué le Pr Damien Logeart, avant de rappeler les principaux facteurs en cause et donc les leviers de progrès. Une congestion résiduelle à la sortie de l’hôpital est un facteur de risque classique et il est essentiel de suivre étroitement l’état congestif du patient, en s’aidant de la diurèse, de la natriurie et si besoin de l’échographie. Le défaut de prescription, notamment l’inertie thérapeutique, est un autre grand facteur causal. Les données du registre de l'Observatoire français de l'insuffisance cardiaque aiguë (OFICA) et du Système national d’information interrégimes de l’Assurance-maladie (SNIIRAM) montrent bien que les prescriptions sont souvent sous-optimales : 90 % des patients reçoivent des diurétiques, 75 à 80 % des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II, de 20 à 40 % des antagonistes du récepteur minéralocorticoïde et à peine un patient sur dix bénéficie d’une réhabilitation.

Une consultation médicale précoce

Les recommandations européennes de 2016 préconisent une consultation médicale précoce après la sortie, notamment pour évaluer la congestion et adapter ou corriger si besoin le traitement, idéalement après une semaine chez le généraliste et après deux semaines chez le cardiologue. Des recommandations qui sont loin d’être suivies en pratique, comme le montrent les données de l’Assurance-maladie de 2014, qui portent sur plus de 21 000 hospitalisations : seuls 51 % des patients avaient vu leur généraliste dans les deux semaines après la sortie de l’hôpital, et la moitié avaient consulté un cardiologue dans les deux mois. « La marge de progrès est donc grande », a souligné le Pr Logeart. La mise en place de programmes de suivi et une meilleure éducation des patients pourraient inverser la tendance, car dans la grande majorité des cas, la décompensation ne survient pas brutalement, mais est précédée de symptômes et d’une prise de poids.

Cibler les patients les plus à risque

Bien sûr, face à l’évolution de la démographie médicale et compte tenu du nombre important de patients concernés (180 000 hospitalisations par an pour IC), il paraît difficile de proposer un suivi étroit à tous les patients dès la sortie de l’hôpital. Il faut sans doute repérer en priorité ceux qui sont les plus à risque, sur des critères de sévérité de l’IC, des paramètres plus sociaux tels que l’accès aux soins, l’âge ou l’isolement social et la présence de comorbidités, fréquentes dans la population d’IC âgée en moyenne de 77 ans. Le sujet âgé fragile est un patient particulièrement à risque, à côté des diabétiques, insuffisants rénaux chroniques, de ceux souffrant de troubles démentiels ou encore de bronchopneumopathie chronique obstructive.

Malgré des efforts récents, il faut donc améliorer la communication entre soignants et sortir du schéma actuel marqué par des allers-retours entre le domicile et les services d’urgence, en favorisant les circuits courts. L’avenir passe par des schémas de prise en charge multiprofessionnelle, avec une cellule de base constituée du médecin généraliste et du cardiologue qui s’appuie sur un environnement médical, paramédical et social, et notamment sur les nouveaux métiers (infirmiers de pratiques avancées) et outils (télémédecine). « Le Conseil national professionnel de cardiologie a élaboré un projet pilote, qui sera testé en région Auvergne Rhône-Alpes », a rapporté le Dr Jean-Pierre Binon. Plusieurs indicateurs ont été retenus : le nombre et le délai d’hospitalisation ou de réhospitalisations non programmées sur 12 mois, le délai entre la sortie de l’hôpital et le premier contact médical (généraliste ou cardiologue) et le délai « contact médical avant réhospitalisation », le taux de réadaptation cardiaque, la mortalité globale intra et extrahospitalière, et le nombre de consultations cardiologiques par an chez les patients stables (définis comme ceux n’ayant eu aucune hospitalisation sur l’année).

D’après les communications du Pr Damien Logeart, Paris, et du Dr Jean-Pierre Binon, Desertines.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin