Urticaire : débusquer les pratiques inadaptées

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Publié le 04/02/2022
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La meilleure compréhension de la maladie avait amené les recommandations de 2019 à écarter des bilans redondants et à préciser les traitements de l’urticaire, en rappelant ceux qui n’ont pas d’indication, voire qui sont contre-indiqués, en particulier les corticoïdes. De nouvelles molécules devraient venir enrichir le panel thérapeutique.

Face à une forme chronique, le bilan allergologique est inutile

Face à une forme chronique, le bilan allergologique est inutile
Crédit photo : phanie

Il est nécessaire de bien distinguer urticaire aiguë (UA) ou chronique (UC).

L’urticaire aiguë est très fréquente, puisque 15 à 20 % de la population française en ferait au moins un épisode au cours de sa vie. Elle peut être non allergique, et traitée uniquement par anti-H1, ou allergique (contact avec l’allergène dans la demi-heure précédent l’éruption) et relève alors d’un traitement par anti-H1 avec éviction de l’allergène et, en cas de choc anaphylactique, une injection d’adrénaline en urgence. « Les corticoïdes oraux ou injectables n’ont aucune indication, car ils exposent à un risque de rebond à l’arrêt et peuvent transformer une urticaire aiguë en urticaire chronique », prévient le Pr Laurent Misery (Brest).

L’urticaire chronique, dont les symptômes sont quasi quotidiens, a une prévalence de 1 % en Europe. Le plus souvent spontanée, elle peut être aussi induite par des agents physiques ou être d’origine cholinergique. « L’urticaire chronique est une dermatose inflammatoire et non une maladie allergique. Il a été largement démontré que le bilan allergologique est totalement inutile », rappelle la Dr Angèle Soria (Hôpital Tenon). Le bilan biologique pourra comporter une numération, un dosage de la CRP et des IgE totales avec, dans les centres spécialisés, des Ig anti-TPO, voire des biopsies cutanées et des biomarqueurs de la réponse thérapeutique dans les formes résistantes.

Le traitement est classique et « monomorphe », avec des anti-H1 de seconde génération, dont la dose peut être augmentée en cas d’échec jusqu’à 4 comprimés par jour, en une ou plusieurs prises, avec une bonne tolérance. Néanmoins, d’un-quart à un tiers des patients restent symptomatologiques ; dans ce cas, on peut y associer de l’omalizumab (300 mg toutes les 4 semaines en SC) au long cours, ou de la ciclosporine pendant 6 mois (sous surveillance de la pression artérielle et de la fonction rénale). Les recommandations françaises ne tranchent pas entre les deux options, alors que les recommandations européennes préconisent d’utiliser l’omalizumab en premier lieu.

Cette molécule a modifié la prise en charge des UC, avec une réponse qui serait corrélée au taux d’IgE. Elle est restée longtemps sans concurrente, mais on devrait disposer prochainement d’autres anti-IgE, ainsi que d’anti-IL5, déjà employés dans l’asthme, pour lesquels des essais sont en cours (reslizumab, benralizumab, etc.). Le dupilumab pourrait être intéressant dans cette indication, de même que le nemolizumab (anti-IL31), ou certains inhibiteurs de JAK. Une biothérapie inhibant le TSLP (thymic stromal lymphopoietin), une cytokine impliquée dans l’inflammation cutanée est elle aussi en cours d’essai.

Divers traitements parfois encore utilisés n’ont en revanche pas fait leurs preuves dans cette indication, comme les anti-H2, les corticoïdes par voie systémique, le montélucast, les immunosuppresseurs autres que la ciclosporine, pas plus que les régimes d’éviction alimentaire ou les approches psychothérapeutiques systématiques. « Il n’est pas non plus recommandé d’associer plusieurs anti-H1, ni d’augmenter les doses au-delà de 4 cps », souligne la dermatologue.

Deux cas particuliers requièrent un avis spécialisé : les enfants de moins de 12 ans, après échec de la quadruple dose d’anti-H1, et les femmes enceintes, après échec de l’anti-H1. « En cas de grossesse, il est préférable de se référer au Crat pour le choix de l’anti-H1 plutôt qu’au Vidal, qui est bien plus restrictif », conseille le Pr Misery.

Enfin, dans les urticaires inductibles, on table surtout sur les conseils : éviter les AINS, limiter les éléments déclenchants toutes les fois où cela est possible, prévenir les inflammations ORL ou dentaires voire, chez certaines personnes, proposer des techniques de gestion du stress. Et toujours pas de corticothérapie, orale ou systémique, même en cas d’œdème du visage ! L’omalizumab peut être efficace dans une certaine proportion d’UC inductibles, mais sans qu’on n’ait de facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique.

(*) https://reco.sfdermato.org/fr/recommandations-urticaire-chronique-spont…

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin