« Tous les essais confirment que le recours au pancréas artificiel améliore de 10 % le temps passé en normoglycémie et ce, quelle que soit la population. La plupart des études ont été initialement menées dans des populations favorisées, mais celles conduites à grande échelle, dans la vraie vie, chez des patients non sélectionnés, attestent de ce bénéfice », souligne d’emblée le Pr Éric Renard (CHU de Montpellier), membre du conseil scientifique du congrès. Mais l’accès à ces nouvelles technologies est très inégalement réparti.
Les États-Unis sont emblématiques à cet égard. S’ils proposent souvent la pointe de la technologie, elle est loin d’être accessible à tous, du fait d’un système très fortement inégalitaire. Différentes études montrent que les capteurs de mesure en continu de la glycémie (MCG) et/ou la pompe à insuline sont bien moins utilisés chez ceux qui dépendent de Medicaid, qui ont des ressources financières limitées, qui sont d’origine hispanique ou afro-américaine. La différence, selon le statut économique, est réelle et bien plus importante aux États-Unis qu’en Europe, que ce soit au regard du niveau d’HbA1c ou de la MCG. Elle s’est encore aggravée depuis une dizaine d’années.
Il existe aussi des disparités entre les États, selon que le système de santé Medicaid couvre ou non le diabète de type 1 (DT1) et/ou le diabète de type 2 (DT2). « Si la question de la couverture sociale est prédominante dans ces inégalités, s’y ajoutent d’autres obstacles, comme le manque de diabétologues en milieu rural, le manque de programmes d’éducation ainsi que l’absence de relations et de réseaux », remarque le Pr David M. Maahs (Stanford, États-Unis).
En Inde, alors que le diabète est en pleine expansion, en l’absence de couverture sociale et d’assurance privée, tout repose sur les capacités économiques personnelles. Et on ne parle pas seulement des nouvelles technologies, mais déjà de l’accès aux soins de base du diabète ! Les inégalités géographiques sont criantes, avec 70 % des habitants vivant en zones rurales tandis que 70 % des médecins sont installés en zone urbaine.
Moins flagrant mais réel en Europe
Les inégalités sont moins flagrantes en Europe, où les systèmes de santé permettent généralement l’accès aux soins, y compris aux nouvelles technologies. « En Allemagne, les nouvelles technologies sont désormais mieux remboursées, mais l’accès inéquitable continue de désavantager systématiquement certains patients, sur la base de leur sexe, de leurs antécédents migratoires ou de leur situation socioéconomique », déplore Marie Auzanneau (Ulm, Allemagne). Il persiste aussi des inégalités selon les régions, l’Est étant défavorisé. On constate une certaine discrimination vis-à-vis des populations pauvres ou migrantes, en raison de barrières linguistiques et culturelles mais aussi d’a priori, supposant qu’elles ne sont pas aptes à utiliser ces technologies, qui de ce fait ne leur seront peut-être pas proposées par les équipes médicales. Ces limites sont aussi très présentes en Angleterre, où se rajoutent aussi, comme dans certains autres pays, des obstacles plus triviaux, comme les difficultés à assumer le coût des déplacements pour accéder aux centres spécialisés.
La France plutôt privilégiée
On ne peut manquer de remarquer que, quoi qu’on en dise, la France est plutôt privilégiée par son système de santé qui donne accès a priori à tous les soins et prend en charge aussi les déplacements. À condition cependant de remplir les critères instaurés par les autorités de santé pour avoir droit à la prise en charge des nouvelles technologies. « En pédiatrie, pratiquement tous les patients utilisent des MCG et 69 % des pompes à insuline », se félicite la Dr Nadia Tubiana-Rufi (Hôpital Robert-Debré, Paris).
Néanmoins, la précarité reste un frein au bon contrôle du diabète dans notre pays. Dans une étude de l’Association des jeunes diabétiques (AJD), chez des jeunes d’âge moyen de 13 ans, le taux d’utilisation de la MCG est identique chez les enfants qui bénéficient ou non de la couverture maladie universelle (CMU). Mais le recours aux pompes est moindre chez les premiers (54,7 vs. 70 %) et l’HbA1c supérieure (8,56 vs. 7,9 % ; p < 0,001).
Une étude menée à Montpellier et à Toulouse relève que, chez les enfants en situation de précarité, l’accès aux technologies est identique, néanmoins leur HbA1c reste supérieure (8,1 vs 7,7 %) et ils font deux fois plus d’acidocétoses. Il a aussi été mis en évidence que le contrôle glycémique est plus mauvais dans les familles migrantes et ce, indépendamment du statut socioéconomique.
Lever les barrières
En France, comme dans bien d’autres pays européens, les limites seraient plutôt liées à des a priori envers les patients, que les équipes médicales pensent non accessibles à la technologie, que ce soit pour des raisons linguistiques, culturelles ou d’éducation. « Or, des expériences françaises, en particulier à l’hôpital Robert Debré, montrent que, malgré une mauvaise connaissance de la langue et des chiffres, des personnes peu ou pas alphabétisées peuvent utiliser avec succès des systèmes de pompe à insuline couplées à des capteurs. À condition d’adapter le langage et les techniques d’éducation aux différentes populations, en particulier chez les personnes migrantes », explique le Pr Renard. Dans les grands centres, on intègre généralement des médiateurs culturels ou linguistiques dans les équipes d’éducation thérapeutique, pour aider à la compréhension des patients qui en ont besoin.
Parfois les obstacles peuvent venir des individus eux-mêmes, en particulier dans les cultures où la maladie relève de la fatalité, avec des patients qui sont plus dans l’acceptation que dans l’intervention. Sur le plan individuel, certains peuvent refuser de dépendre d’une machine ou de porter un système visible ; c’est peu fréquent et s’observe surtout à l’adolescence.
Exergue : Quoi qu’on en dise, la France est plutôt privilégiée par son système de santé
Entretien avec le Pr Éric Renard, Montpellier Session « Socioeconomic barriers & disparities to diabetes technology »
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