Gare aux interprétations hâtives

Plus de bon sens clinique pour la thyroïde

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Publié le 05/06/2019
Dosage

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Crédit photo : Phanie

Les dosages thyroïdiens font partie des examens parmi les plus prescrits et ce pour des symptômes allégués innombrables. Les tutelles ont, de longue date, alerté sur l'excès de prescriptions de dosages de TSH et surtout de prescriptions d'emblée de TSH + T4L, voire TSH+T4L+T3L, etc. Les actions de la CNAM-ts auprès des médecins ont eu des effets favorables sur ces excès, au moins temporairement. « L'affaire Levothyrox » a certainement fait repartir les prescriptions de ces dosages à la hausse.

Au-delà même de la pertinence de la prescription des dosages thyroïdiens, et des coûts que cela engendre, se pose une autre question : celle de la pertinence de l'analyse des résultats de TSH par les praticiens, qui débouche trop souvent et trop rapidement sur la prescription d'hormones thyroïdiennes. Bien que poser un diagnostic de dysfonctionnement thyroïdien paraisse assez simple, ce n'est pas nécessairement le cas, surtout face à de symptômes très banals et répandus. Nous parlons ici des TSH tout juste supérieures à la limite de la normale.

D'abord, on ne doit pas ignorer qu'il existe des fluctuations intra-individuelles des taux de la TSH, ou des variantes liées à l'âge ou encore à l'ethnie. De plus, les seuils de normalité n'ont pas nécessairement de valeur prédictive quant à leurs conséquences sur la santé. Nombre de valeurs tout juste supérieures à la limite de la normale se normalisent secondairement, ce qui rend inutile une éventuelle prise, pourtant définitive, de lévothyroxine.

Les données actuelles ne permettent pas de savoir quelles personnes, présentant une modeste élévation de la TSH, relèvent d'une prescription de lévothyroxine (L-thyroxine). On ne dispose en effet que de très peu d'essais contrôlés portant sur des patients ayant des TSH inférieures à 10 mIU/L. Quand bien même le traitement par lévothyroxine serait légitime, tous les sujets traités ne sont pas aux objectifs de TSH souhaités et resteraient toujours à risque.

Trop de traitements hâtifs

Un article long et très argumenté vient d'être publié à ce propos dans The Lancet Diabetes Endocrinol (1). Il rappelle que les quatre principaux dosages de TSH utilisés dans le monde proposent des fourchettes de normalité un peu différentes et que des TSH mesurées entre 5 et 10 mU/L correspondent à des T4L allant du simple au double. Il propose une aide à l'analyse de la situation, dans le cas d'une hypothyroïdie infra-clinique avec une élévation modérée de la TSH. La décision de traiter se présente sous forme d'une balance entre le pour et le contre (lire encadré), rappelant que la fonction thyroïdienne du patient doit être évaluée sur une base individuelle en tenant compte du tableau clinique complet et d'autres éléments, simples à récolter. Aucun sujet ne devrait être mis sous lévothyroxine sur la foi d'un dosage unique et à peine élevé de la TSH. Dans cet article sont aussi abordées plusieurs questions concernant les autres dosages thyroïdiens.

Signalons que la HAS a mis en ligne, le 19 mars 2019, une « Fiche pertinence des soins au sujet de l'hypothyroïdie » (2), remarquablement présentée.

Université Grenoble-Alpes, Grenoble 
(1) Jonklaas J, Razvi S. Reference intervals in the diagnosis of thyroid dysfunction: treating patients not numbers. Lancet Diabetes Endocrinol 2019 Jun;7(6):473-83 doi: 10.1016/S2213-8587(18)30371-1. 
(2) https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2910789/fr/hypothyroidie-fiche-….

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr