Trouble moteur de l’œsophage

La POEM, traitement de référence de l’achalasie ?

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Publié le 14/10/2022

L’avènement de la manométrie œsophagienne de haute résolution, il y a une quinzaine d’années, et de la myotomie per-orale endoscopique (POEM), dont les premières publications datent de 2010, est à l’origine d’un regain d’intérêt pour l’achalasie.

L’objectif est de diminuer l’obstacle fonctionnel au niveau du sphincter inférieur de l'oesophage et d’améliorer la clairance

L’objectif est de diminuer l’obstacle fonctionnel au niveau du sphincter inférieur de l'oesophage et d’améliorer la clairance
Crédit photo : Phanie

Considérée comme une maladie rare, l’achalasie a une incidence annuelle de 1 à 5 cas pour 100 000 habitants, et une prévalence de 7 à 32 cas pour 100 000 habitants. C’est le trouble moteur œsophagien le mieux caractérisé, bien que sa physiopathologie reste mal connue. Le défaut de relaxation du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO) et l’absence de contraction œsophagienne normale sont responsables de la survenue d’une dysphagie, de régurgitations, de douleurs, et d’une perte de poids. La manométrie œsophagienne est l’examen de référence pour poser le diagnostic, après la réalisation d’une endoscopie digestive haute. Aucun traitement ne permettant de corriger les altérations physiopathologiques responsables de l’achalasie, l’objectif thérapeutique se contente de diminuer l’obstacle fonctionnel au niveau du SIO et d’améliorer la clairance œsophagienne. Pendant plusieurs décennies, la prise en charge était soit endoscopique par dilatations pneumatiques (nécessitant des séances répétées pour maintenir la rémission), soit chirurgicale par myotomie de Heller (souvent associée à la confection d’une valve antireflux).

Une technique en plein essor

La POEM est arrivée, au début des années 2010. « Elle s’est considérablement développée au point que plusieurs milliers de patients ont déjà bénéficié de cette technique, y compris en France, indique le Pr Frank Zerbib, chef du service d’hépatogastroentérologie du CHU de Bordeaux. Cette technique, d’apprentissage relativement simple pour les endoscopistes « interventionnels » rompus à la dissection sous-muqueuse, consiste à créer un tunnel sous-muqueux permettant d’accéder directement à la couche circulaire interne de la musculeuse œsophagienne et de la jonction œsogastrique (JOG). L’objectif est de réaliser une myotomie, environ 4 à 6 cm au-dessus de la JOG et 2 cm en dessous, au niveau de l’estomac. Ses résultats fonctionnels sont excellents. En effet, une étude multicentrique française (1), menée sur plus de 1 000 patients, a confirmé des taux de succès de 91 % à court terme, en cohérence avec les résultats accumulés depuis une dizaine d’années dans la littérature scientifique. De plus, cette étude a permis d’identifier certains facteurs d’échecs, tels que le jeune âge, le type d’achalasie (I/III), la sévérité des symptômes avant POEM (principalement les douleurs thoraciques), et la survenue d’une complication en cours de procédure. »

En première intention dans les centres experts

La POEM est devenue le traitement de première intention de l’achalasie de l’œsophage dans les centres experts français. Mais cette technique mérite-t-elle vraiment sa place ? « Comme souvent, la réponse est apportée par les essais randomisés, explique le Pr Zerbib. Après avoir validé sa supériorité sur les dilatations pneumatiques (2), la POEM a montré qu’elle faisait jeu égal avec la myotomie de Heller dans une étude de non-infériorité publiée en 2019, avec des taux de rémission de respectivement 82 % et 83 % à deux ans (3). Le problème reste celui du reflux gastro-œsophagien (RGO). En l’absence de possibilité de procédure antireflux, il est plus fréquent après POEM que chirurgie ». Dans cette étude randomisée (3), 44 % des patients ont eu une œsophagite dans le groupe POEM, contre seulement 29 % dans le bras chirurgie. L’élément rassurant est l’observation de seulement 5 % d’œsophagite de grade C/D (3 % dans le groupe chirurgie). « Mais il est tout de même préférable de mettre en place un suivi endoscopique systématique chez ces patients », précise le Pr Zerbib.

Une reconnaissance des sociétés savantes

Au cours des deux dernières années, plusieurs sociétés savantes ont donc pris position pour le traitement de l’achalasie (United European Gastroenterology, European Society of Neurogastroenterology and Motility, American College of Gastroenterology, European Society of Gastrointestinal Endoscopy). Elles arrivent toutes à la même conclusion (4). En dehors de l’achalasie de type III (où la POEM doit être proposée en première intention car elle permet d’adapter la longueur de la myotomie œsophagienne à la hauteur des contractions spastiques), les trois techniques (POEM, dilatations et chirurgie) peuvent être proposées en fonction des compétences locales et du choix du patient. Pour le Pr Zerbib, « derrière cette frilosité apparente des sociétés savantes, on peut y voir une validation sans équivoque de cette procédure endoscopique, qui devient progressivement la technique de référence pour le traitement de l’achalasie de l’œsophage ».

D’après un entretien avec le Pr Frank Zerbib (CHU de Bordeaux)
(1) Vauquelin B et al. Risk factors of early failure of peroral endoscopic myotomy (poem) in achalasia: a retrospective multicenter study. Gastrointest Endosc. 1 juin 2022;95:AB401.
(2) Ponds FA et al. Effect of Peroral Endoscopic Myotomy vs Pneumatic Dilation on Symptom Severity and Treatment Outcomes Among Treatment-Naive Patients With Achalasia. JAMA. 9 juill 2019;322(2):134‑44.
(3) Werner YB et al. Endoscopic or Surgical Myotomy in Patients with Idiopathic Achalasia. N Engl J Med. 5 déc 2019;381(23):2219‑29.
(4) Weusten BLAM et al. Endoscopic management of gastrointestinal motility disorders – part 1: ESGE Guideline. Endoscopy. juin 2020;52(06):498‑515.

Hélène Joubert
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Source : lequotidiendumedecin.fr