Essor de techniques mini-invasives

Œsophage : de multiples avancées avec l’endoscopie interventionnelle

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Publié le 15/12/2022
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La chirurgie de l’œsophage est particulièrement morbide, avec une mortalité associée non négligeable. Ainsi, en tant que technique mini-invasive, l’endoscopie se développe dans cette localisation. Au niveau de la muqueuse et sous-muqueuse, elle remplace désormais la chirurgie carcinologique. La dissection sous-muqueuse endoscopique (ESD) est devenue le standard pour la résection des cancers T1.

Crédit photo : Burger/Phanie

Côté diagnostic, l’endoscopie luminale et l’échoendoscopie sont couramment utilisées afin de poser un diagnostic de cancer, surveiller les états précancéreux, et prévenir la dégénérescence oncologique. « L’endoscopie œsogastroduodénale permet de dépister les cancers superficiels de l’œsophage (carcinomes épidermoïdes) liés à l’alcoolisme, au tabagisme, au reflux gastro-œsophagien chronique, ou à la surcharge pondérale (adénocarcinomes). Elle permet également de surveiller les patients qui en ont développé par le passé, ainsi que de réséquer ces tumeurs, résume le Pr Maximilien Barret, service de gastroentérologie et oncologie digestive (CHU Cochin, Paris). En dépistant par endoscopie œsogastroduodénale les personnes asymptomatiques, présentant les facteurs de risque classiques de ces cancers, on sauverait des vies ».

L’ESD pour les lésions gastro-intestinales superficielles

La Société européenne d’endoscopie gastro-intestinale (ESGE) vient, en juin 2022, de recadrer la place de l’ESD en cas de lésions gastro-intestinales superficielles. Celle-ci est recommandée, comme traitement de choix, pour la plupart des lésions épidermoïdes superficielles de l’œsophage et gastriques superficielles.

En cas de lésions associées à l’œsophage de Barrett (OB), « l’ESGE propose une utilisation préférentielle de la résection endoscopique par mucosectomie, au regard de l’abondante littérature démontrant la sécurité de cette approche sur le plan oncologique, souligne le Pr Barret. Elle réserve l’ESD au traitement des lésions suspectes d’envahissement sous-muqueux (type Paris 0-Is, 0-IIc), aux lésions malignes de plus de 20 mm, et à celles situées dans les zones cicatricielles ou fibrotiques. En France, le développement important de l’ESD en fait une technique sûre, souvent proposée en première intention, pour les lésions développées sur OB. Quelle que soit la technique de résection employée, l’ablation de l’OB (notamment par radiofréquence) est décisive pour prévenir les récidives néoplasiques ». Cette approche, associant résection endoscopique et ablation par radiofréquence, a démontré sur une large série de 1 400 patients : 94 % d’éradication de l’OB, 2 % de saignement, 1 % de perforations aiguës et 20 % de sténoses (2). 

L’ESGE établit des critères pour lesquels la résection endoscopique d’un cancer de l’œsophage ou de l’estomac est curative : résection en bloc et R0 intramuqueuse, bien ou moyennement différenciée, sans embol veinolymphatique. De plus, dans certaines localisations, le caractère curatif peut être étendu aux lésions envahissant la sous-muqueuse superficielle et moyennement différenciées.

Après une résection endoscopique complète, en présence d’une marge horizontale positive ou de résection fragmentaire (sans envahissement de la sous-muqueuse, ni autre critère de risque élevé), il faut prendre en compte le risque local. Une surveillance endoscopique ou un retraitement est alors recommandée. En cas de diagnostic d’invasion lymphovasculaire, d’infiltration profonde de la sous-muqueuse (au-delà de sm1), ou de marges verticales positives, voire de tumeur indifférenciée, la résection doit être considérée à haut risque (non curative). Un traitement complémentaire doit alors être proposé, par chirurgie ou (radio)chimiothérapie.

Et dans l’adénocarcinome ?

L’ESD obtient de bons résultats, dans la prise en charge de l’adénocarcinome (ADK) œsophagien et de la jonction œsogastrique. Une revue systématique (3) a récemment comparé les résultats de l’ESD, dans le traitement des ADK œsophagiens et du cardia. « Nous avons retrouvé un taux de résection en bloc supérieur à 90 % pour les deux types de tumeurs, décrit le Pr Barret. Les taux de résection R0 étaient supérieurs à 60 % pour les ADK œsophagiens, contre 83 % pour ceux localisés au cardia. Nous avons enregistré moins de 13 % et 20 % d’événements indésirables précoces et tardifs pour l’ADK de l’œsophage, versus 10 % et 7 % dans l’ADK du cardia. Le taux de récidive locale était respectivement de 8 % versus 3 %. La survie globale était supérieure à 90 %. Ces données soutiennent l’ESD comme une technique sûre et efficace pour les ADK de la jonction œsogastrique, qu’ils proviennent de l’œsophage ou de l’estomac ».

D'après la présentation du Pr Maximilien Barret au congrès Vidéo-Digest Cours Intensifs, 3-4 novembre 2022
(1) Pimentel-Nunes P et al. Endoscopic submucosal dissection for superficial gastrointestinal lesions: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Guideline - Update 2022. Endoscopy. 2022 Jun;54(6):591-622.
(2) Van Munster S et al. Dutch Barrett Expert Centers. Long-term outcomes after endoscopic treatment for Barrett's neoplasia with radiofrequency ablation ± endoscopic resection: results from the national Dutch database in a 10-year period. Gut. 2022 Feb;71(2):265-76.
(3) Doumbe-Mandengue P et al. Endoscopic submucosal dissection for early esophagogastric junction adenocarcinomas: a systematic review. Ann Gastroenterol. 2022 Jul-Aug;35(4):351-61.

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr