Gastroentérologie

Syndrome de l'intestin irritable : un outil pratique pour aider au diagnostic

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Publié le 24/03/2023
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Alors que le délai avant un diagnostic de syndrome de l'intestin irritable est de quatre ans en moyenne, trois gastroentérologues européens, dont un français, ont élaboré un aide-mémoire, récapitulant les éléments clés de la prise en charge, de l'identification des signes d'alerte à la communication avec le patient.
4 à 10 % de la population en France est concernée

4 à 10 % de la population en France est concernée
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

Le syndrome de l’intestin irritable touche 4 à 10 % de la population en France. Mais près de 75 % des personnes concernées ne seraient pas diagnostiquées et le délai avant un diagnostic est de quatre ans en moyenne. Pour sensibiliser les médecins à cette pathologie, et en premier lieu les généralistes, trois gastroentérologues européens (1) ont imaginé un outil pratique afin de faciliter le diagnostic mais aussi la communication avec le patient. Disponible au format PDF (2) ou sous forme de brochure, cet aide-mémoire, décliné en sept langues, bénéficie du soutien du Biocodex Microbiota Institute.

« Aujourd'hui, ce qui fait référence dans le syndrome de l'intestin irritable, ce sont les critères diagnostiques de Rome qui évoluent tous les dix ans, avec une dernière publication datant de 2016. Mais plusieurs enquêtes ont montré que ces critères sont peu connus des médecins généralistes », constate le Pr Jean-Marc Sabaté, consultant au sein du service de gastroentérologie de l’hôpital universitaire Avicenne à Bobigny et l'un des trois experts ayant élaboré l'outil.

D'où l'idée de développer un support plus simple à diffuser. D'autant que « dans la dernière version appelée Rome IV, l'inconfort et les ballonnements ne sont pas présents, alors que ce sont parmi les symptômes les plus rapportés par les patients », poursuit-il. Même si les critères de Rome restent utiles pour la recherche, précise-t-il, le gastroentérologue souligne le besoin d'informations pragmatiques afin de reconnaître plus facilement le diagnostic et d'accélérer la prise en charge.

NFS, CRP et échelle de Bristol

Le document s'articule autour de plusieurs parties, synthétisant les informations essentielles à connaître. On y trouve ainsi des explications sur la maladie, sa physiopathologie (et notamment le rôle du microbiote), des check-lists avec les principaux critères diagnostiques et signes d'alerte, les examens à réaliser et les éléments clés de la prise en charge et du suivi. « Nous sommes convaincus que l'application des principes simples que nous décrivons permettra d'améliorer la prise en charge », avance le Pr Sabaté.

Antécédents familiaux de cancer du côlon ou de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (Mici), perte de poids, fièvre et symptômes extra-intestinaux sont des signes qui doivent faire évoquer un diagnostic différentiel du syndrome de l'intestin irritable. Concernant les examens, les trois experts ne recommandent pas la réalisation d'un scanner abdominal ou d'une échographie. En revanche, sont préconisés la numération formule sanguine (NFS), le dosage de la CRP et le fait de préciser le type des selles selon l'échelle de Bristol pour orienter les examens et les traitements selon le sous-type de transit. En cas de diarrhée notamment, d'autres examens peuvent être utiles, au cas par cas : calprotectine fécale, sérologie pour la maladie cœliaque, test de la fonction thyroïdienne, coloscopie et toucher rectal.

Quatre piliers de la prise en charge

Quant à la prise en charge, elle repose sur quatre piliers : 1. le régime alimentaire basé sur une alimentation saine, certains régimes et parfois la prise de prébiotiques et de probiotiques ; 2. le mode de vie, qui doit notamment favoriser un bon sommeil et la pratique d’une activité physique ; 3. la gestion de la communication intestin-cerveau à l'aide d'interventions psychothérapeutiques ; 4. le traitement médical symptomatique (antispasmodiques, antidiarrhéiques, laxatifs…). Une réévaluation du traitement au bout de six à huit semaines est nécessaire. Le Pr Sabaté tient toutefois à préciser que le document n'est pas un outil complet à visée thérapeutique.

La dernière partie de l'outil est consacrée aux échanges avec le patient. « En 2020, nous avons publié une enquête menée auprès des membres de l'Association des patients souffrant du syndrome de l'intestin irritable (Apssii) qui a mis en évidence que la communication n'était pas satisfaisante entre patients et médecins (3) », rapporte le Pr Sabaté, co-président du conseil scientifique de l'association. L'outil donne des pistes pour trouver les mots justes.

« Cet outil a donc vocation à servir de support aux médecins généralistes pour mieux repérer la maladie et mieux accompagner les patients, mais ces derniers peuvent eux-mêmes s'en emparer pour parler de leur syndrome autour d'eux », considère le gastroentérologue.

(1) Pr Jean-Marc Sabaté de l'hôpital universitaire Avicenne (Bobigny), Pr Jan Tack de l'université de Louvain et Dr Pedro Costa Moreira du centre hospitalier de Tâmega e Sousa de Penafiel à Porto
(2) https://www.biocodexmicrobiotainstitute.com/sites/default/files/2022-12…
(3) J.-M. Sabaté et al, Clin Res Hepatol Gastroenterol, 2020. DOI: 10.1016/j.clinre.2020.02.014

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin