Des sénateurs écologistes veulent créer un délit de « violence gynécologique et obstétricale » et sensibiliser davantage les médecins

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Publié le 20/01/2023
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Crédit photo : AFP

De l’affaire Daraï - du nom du spécialiste de l’endométriose parisien mis en examen pour violences volontaires - au hashtag #PayeTonUtérus sur les réseaux sociaux : ces dernières années, des femmes victimes de « certaines pratiques médicales maltraitantes » ont réussi à se faire entendre, rappelle la sénatrice écologiste Raymonde Poncet Monge.

Mais pour réellement « améliorer le rapport patientes – praticiens et praticiennes dans le suivi gynécologique et obstétrical des femmes », la parlementaire a déposé le 12 janvier dernier une proposition de loi au Sénat, afin de renforcer un suivi « bientraitant ».

Alors qu’en 2019, la rapporteure spéciale de l’Organisation des Nations unies (ONU) enjoignait les États à veiller à une application du consentement éclairé dans le suivi des femmes, « en tant qu’élue, il m’est apparu nécessaire et urgent de porter au Sénat ces recommandations, notamment en caractérisant dans le droit, les violences gynécologiques et obstétricales et ce, afin de sécuriser tant les professionnels de santé que les patientes », raconte Raymonde Poncet Monge au « Quotidien ».

Deux nouveaux délits

Avec ce court texte  de six articles, les sénateurs écologistes entendent faire entrer dans le droit une notion jusqu’alors absente, celle des violences gynécologiques et obstétricales (VOG), qui existe pourtant depuis le début des années 2000 dans la législation en Argentine ou au Venezuela.

Ainsi, la proposition de loi permettrait d'introduire deux nouveaux délits dans le Code pénal : outre le délit de VOG (intentionnel et non intentionnel) celui d'outrage sexiste gynécologique et obstétrical. Les peines envisagées par les parlementaires pourraient aller jusqu’à 100 000 euros d’amende et cinq ans d’emprisonnement pour les médecins ou les sages-femmes. Aussi, en cas de viol ou d’agression sexuelle, le fait d’être un professionnel de santé pourrait être considéré comme une circonstance aggravante.

Gêne, humiliation, « point du mari »

En introduisant ces deux nouveaux délits, les sénateurs en font la description. Non prise en compte de la gêne de la patiente, actes réalisés sans consentement : le texte définit ainsi comme une VOG « le fait, pour un professionnel de santé, de procéder à un acte ayant pour effet de porter atteinte à la dignité d’une patiente en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou de créer à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ou de porter atteinte à son intégrité en raison de séquelles physiques et psychologiques ».

Des pratiques qui sont déplorées depuis plusieurs années, tant par les patientes que par certains soignants. « À titre d’exemple, en 2014, c'est une sage-femme qui dénonce sur son blog le "point du mari" », rappellent les sénateurs. Un point de suture supplémentaire effectué après une épisiotomie « afin de resserrer le diamètre d’entrée du vagin dans le but supposé de renforcer le plaisir du partenaire ».

Finie la conciliation ordinale !

Alors que l’Ordre des médecins est accusé par certains de laxisme vis-à-vis des VOG, l’article 2 de la proposition de loi crée une procédure disciplinaire spécifique pour examiner ces plaintes. Les plaignantes pourraient notamment être exemptées de la procédure de conciliation lorsqu'elles portent plainte auprès de l'Ordre car cette étape « prévoit la participation de la victime à des réunions avec son agresseur », dénoncent les sénateurs.

Le président du CDOM aurait par ailleurs l’obligation d’adresser une copie de la plainte au procureur de la République, selon le texte de Raymonde Poncet Monge, qui affirme avoir échangé avec « des associations, des chercheurs ainsi que des médecins qui sont en lien avec des patientes, dont des victimes de violences gynécologiques et obstétricales ».

Endiguer « les stéréotypes intériorisés »

Enfin, les signataires de la PPL souhaitent mettre l’accent sur la formation des étudiants en santé et des soignants en exercice pour endiguer « les stéréotypes intériorisés ». Les sénateurs écologiques citent notamment l’exemple du « syndrome méditerranéen » une « stigmatisation raciste qui vise spécifiquement les personnes originaires d’Afrique du Nord, d’Afrique subsaharienne, et d’autres minorités raciales, et qui induit (...) une minimisation des douleurs ».

Ces formations aux VOG s’accompagneraient de l’obligation, imaginent les parlementaires, de faire intervenir un traducteur dans les établissements de santé. Seule manière, selon eux, de recueillir un réel consentement éclairé de toutes les patientes.


Source : lequotidiendumedecin.fr