Rien à voir avec ceux qui, sous les feux de la rampe, adorent prendre toute la lumière. Rien de théâtral ! Classique mais décontracté, on ne décèle aucun signe de « surcharge égotique » ou la moindre petite trace d’excentricité chez le Dr Philippe David. C’est même tout le contraire. Discret, calme et posé, l'affable gynécologue - obstétricien qui exerce à la clinique Jules-Verne de Nantes, est attentif. On sent le presque septuagénaire, totalement aguerri à l’écoute. « Un humaniste, porteur de nombreux projets, qui a à cœur de fédérer et de faire participer tous les membres de ses équipes… », apprécie Françoise Bardy, sage-femme dans le même établissement.
Rôles inversés. Pour l’exercice, plus intime du portrait. On écoute. Or, être l'unique sujet de scène... n’est pas chose aisée pour le médecin.
Prologue
Tout est parti, début quatre-vingt, de la volonté d’une association « Bien naître » de créer un lieu alternatif où les femmes seraient actrices de leur accouchement. Une revendication de plus en plus pressante ces dernières années. Au point qu'elle peut inquiéter certains praticiens. Mais le Dr Philippe David n'est pas de ceux-là. Fraîchement diplômé, il s’implique avec plusieurs sages-femmes et un autre confrère dans le projet d’une Maison de la naissance à Nantes. Elle voit le jour en 1984. « Notre objectif était de nous appuyer sur les bonnes pratiques médicales et en même temps d’être à l’écoute des femmes et de leurs conjoints, depuis le début de la grossesse jusqu’à la naissance de l’enfant », insiste beaucoup le gynécologue. Un succès exponentiel. Car la maternité, désormais intégrée à la clinique mutualiste Jules-Verne, a débuté avec 240 accouchements. Elle réalise actuellement près de 3 500 naissances et refuse du monde.
Mais le Dr Philippe David exerce aussi hors les murs... Et sur les planches ! Car le co-fondateur de la Maison de la naissance, à la tête du centre de planification familiale et CIVG Clotilde Vautier, membre de la commission d’orthogénie et de la commission d’éthique du CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français) est aussi comédien !
Une appétence pour le théâtre
Un goût qu'il entretient de longue date. Enfant, le médecin natif de Guérande est initié à l'univers théâtral par sa mère enseignante qui l’élève en solo. À Saint-Nazaire, tous deux assistent aux spectacles de la comédie de l’Ouest, première compagnie professionnelle de Bretagne, et futur théâtre national. Le jeune garçon découvre Molière, Corneille… Les auteurs classiques. Et plus d’avant-garde, d’autres, comme Dürrenmatt, Max Frisch… Une réelle appétence. Depuis, en assidu des Rencontres internationales de théâtre de l'Aria, à Olmi-Cappella, en Corse, il élabore des stages pour ses équipes de soignants avec Robin Renucci et Alan Boone.
Par goût, vous dit–on ! Mais aussi, par conviction. S'il use de l'art dramatique, c'est toujours au service de la santé des femmes. Car cet art-là, couplé à la technique de respiration Metgesandra, renforce, selon lui, les bonnes pratiques médicales du soin. Alors, rien d’étonnant à ce qu'il ait monté la troupe Novecento, un nouveau souffle, avec une petite équipe de soignants.
Novecento, un nouveau souffle
Issue d’une rencontre entre le Dr Philippe David et Alan Boone, l’association Novecento, un nouveau souffle a été créée en 2011 par des soignants de la Maison de la naissance de la clinique Jules-Verne. Cette pratique vise à « être acteur-auteur de soi ». Autre création gérée par Novecento, l’Institut Souffle-Éthique-Art dramatique (ISEAD) propose, à tous les publics, des ateliers de gymnastique respiratoire corrélés à une initiation à l’art dramatique dans le but de développer les capacités d’écoute, de présence et confiance en soi : novecento.souffle@gmail.com
In medias res
Comme à chaque fois avant de rentrer sur scène, le trac est là. Un frein et un carburant. Le cœur bat fort. Grand, le Dr Philippe David dépasse d’une bonne tête les autres acteurs. Quelques regards d’encouragement se croisent. On respire, on expire selon la méthode Metgesandra. Et c’est parti ! Pour s’exposer et affronter le public.
On devrait plutôt dire des publics. La pièce se réclame plutôt du théâtre documentaire. La troupe se produit dans les théâtres. Rien de plus normal ! Et joue dans les collèges et lycées. L'occasion d'échanger avec un public de jeunes. Plus complexe… « Mais vraiment enrichissant avec "des bords de scène", entre émotions et parfois colères », s’enthousiasme Alexandra Musy, l’une des comédiennes, sage-femme. Ou encore, devant des parterres de professionnels de santé, lors de congrès médicaux. Les acteurs, quatre sages-femmes et deux médecins, portent en scène, ce qu’ils vivent professionnellement. Outre son propre rôle, chacun interprète un à deux autres personnages de la pièce : « Le cas de Mademoiselle L, 14 ans ». Enceinte à la suite d’un viol, Louise, adolescente est confrontée, aux aléas de l’interruption de grossesse. Rythmée par le texte de Romain Fohr, l’œuvre s’inspire « d’histoires vraies autour de l’IVG, tirées de notre expérience de soignants », rapporte le Dr Philippe David. Servi par une mise en scène d’Alan Boone - ancien élève d’Antoine Vitez -, le spectateur est plongé dans un bureau du planning familial, dans une salle de réunion du centre IVG ou encore dans le huis clos familial de Louise.
Le théâtre au service des bonnes pratiques du soin
Ainsi, les planches se font l'écho d'une réflexion aiguë. Tant sur l'accueil et l'écoute des femmes que pour les questionnements de conscience et d’éthique des soignants.
L'amateur de Bach, Mozart et Brassens, lui-même pianiste, est pour le moins impliqué ! Co-fondateur du centre de PMA - avec le laboratoire de biologie de la reproduction du CHU Nantes -, l'infatigable porteur de projets a également créé, de concert avec le Pr Gérard Dabouis, des consultations éthiques. Elles permettent d'accompagner via un espace d'écoute les patients, familles et soignants confrontés à des décisions difficiles. Pour ce dernier, le Dr Philippe David est autant « engagé et visionnaire » que « courageux » .
La santé des femmes, un grand tout
Mais le Dr Philippe David ne se considère pas comme un militant de l’avortement. « Il n’y a pas les IVG et le reste. Il y a la santé des femmes, qui est un tout. On doit avoir la même exigence pour l'IVG, la PMA, la chirurgie, l'obstétrique et le diagnostic prénatal », plaide celui qui invoque une « passion du métier qui est réelle ».
La méthode Metgesandra, mise au point dans les années cinquante par Paule Metge-Sandra, professeure de chant, accorde une grande importance à l'expiration spontanée et à la respiration physiologique profonde thoracique. Cette méthode se pratique, au sol, assis ou debout. Elle est enseignée aux futurs comédiens du Centre national supérieur d'art dramatique.
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