Retour de la rougeole et de la coqueluche

En Belgique, un défaut de vaccination plus marqué au sud qu'au nord

Par
Publié le 11/02/2019
Article réservé aux abonnés
Rougeole belgique

Rougeole belgique
Crédit photo : Phanie

Depuis 2011, les autorités sanitaires belges observent les chiffres avec inquiétude. Et chaque année, les statistiques confirment le phénomène : la coqueluche et la rougeole, deux maladies dont la Belgique espérait s'être débarrassée, sont bel et bien de retour.

Épidémie de rougeole à Charleroi

La rougeole a surpris tout le monde en 2017, lorsqu'une épidémie a frappé la partie francophone du pays. Importée de Roumanie via des déplacements migratoires, la maladie s'est propagée sans pour autant faire de victime. De février à mars 2017, entre 20 et 40 cas furent déclarés chaque semaine, dont 40 % nécessitant une hospitalisation pour cause de complications. Charleroi, quatrième ville du pays a été particulièrement touchée, avec 10 fois plus de cas qu'à l'accoutumée.

La coqueluche est, elle, de nouveau considérée comme une maladie endémique en Belgique. « Elle est aujourd'hui stable mais probablement sous-déclarée, et circule plus que par le passé », note la Dr Carole Schirvel, coordinatrice à la cellule de surveillance des maladies infectieuse à l'Agence pour une vie de qualité (Aviq). Surtout, elle fait des victimes : « 1 à 2 décès de nourrissons en Belgique chaque année, mais il y en probablement d'autres, notamment des morts subites non-identifiées ».

Un défaut de vaccination stable mais persistant

Plusieurs raisons expliquent cette double recrudescence. D'abord, « les caractéristiques mêmes des maladies », souligne Paloma Carrillo-Santisteve, responsable du programme de vaccination de l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE). « La rougeole est très contagieuse. Une seule personne risque d'en contaminer une quinzaine ou plus ». Ensuite, l'évolution de certains vaccins a pu créer des brèches. C'est le cas de la coqueluche : « La diminution de la durée de l'immunité avec le vaccin acellulaire (préféré au vaccin à cellules entières, employé auparavant mais jugé plus réactogène) ne serait que de 4 à 10 ans. ».

Et puis il y a ce qui embête le plus les autorités : le défaut de vaccination, dans un pays où seul le vaccin contre la polio est obligatoire. Pour canaliser la rougeole, un taux de vaccination de 95 % est nécessaire. « C'est le cas pour la première dose, administrée à 12 mois, explique Paloma Carrillo-Santisteve, mais pas pour la seconde, administrée à 11-12 ans, dont le taux de couverture tombe à 75 % ». Côté coqueluche, c'est notamment la vaccination des femmes enceintes qui pose problème. Si la couverture atteint les 70 % en Flandre, elle stagne tout juste au-dessus des 20 % en Wallonie (Belgique francophone).

Ce défaut de vaccination s'expliquerait d'abord par une négligence liée à un déficit d'information - « leurs enfants grandissant, la thématique de la vaccination est parfois oubliée par les parents qui l'imaginent réservée aux nourrissons », estime Paloma Carrillo-Santisteve - ; mais aussi par le tombereau d'idées fausses qui pleuvent sur les vaccins depuis quelques années.

Influence des « vaccino-sceptiques » français

Un climat de défiance plus prégnant au sud qu'au nord du pays. En effet, si les Belges sont globalement moins « vaccino-sceptiques » que les Français (90 % d'entre eux jugent les vaccins efficaces), les francophones sont culturellement très influencés par leur grand voisin hexagonal… et donc par le courant antivaccin qui s'y épanouit. Ainsi, dans une étude menée en 2018, 55,8 % d'entre eux se disaient inquiets des effets secondaires contre 36,6 % des néerlandophones. Le vaccin contre la grippe, bien plus pratiqué en Flandre qu'en Wallonie, vient illustrer chaque hiver cette tendance.

Les professionnels eux-mêmes sont concernés. « En Wallonie, un nombre important de gynécologues affiliés au réseau de l'Université catholique de Louvain (UCL) refusent de vacciner les femmes enceintes contre la coqueluche, et ce sans aucun argument scientifiquement valable », regrette ainsi la Dr Carole Schirvel. Les autorités songent d'ailleurs à impliquer davantage les sages-femmes pour tenter de contourner ces praticiens rétifs. S'agissant de la rougeole, une deuxième dose administrée plus tôt, vers 5-6 ans, est à l'étude.

Benjamin Leclercq

Source : Le Quotidien du médecin: 9723