Médecine interne

Lupus et Covid-19 : des auto-anticorps à double tranchant

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Publié le 30/09/2022
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Une équipe française montre que les auto-anticorps anti-IFN-1 développés au cours du lupus peuvent avoir un effet protecteur vis-à-vis de l'évolution de la maladie systémique mais délétère en cas d'infection virale (Covid sévère, épisodes de zona). La surveillance des auto-anticorps anti-IFN-α au cours du lupus permettrait d'identifier les personnes à risque d'infection virale sévère.
Jusque-là, le rôle de ces anti-corps dans le lupus n'était pas connu

Jusque-là, le rôle de ces anti-corps dans le lupus n'était pas connu
Crédit photo : Phanie

Quel est l'impact de la survenue d'auto-anticorps anti-interférons de type 1 (IFN-1) au cours du lupus systémique ? Des chercheurs français (AP-HP/Inserm/Sorbonne Université/Cimi-Paris) montrent dans la revue « Annals of Rheumatic Diseases » que ces auto-anticorps pourraient conférer un risque viral accru, en particulier contre le Covid-19, mais qu'en retour la maladie inflammatoire pourrait s'en trouver améliorée.

Les IFN-1, notamment l'IFN-α, sont surexprimés dans le lupus systémique et impliqués dans la pathogénie de la maladie auto-immune touchant principalement les femmes jeunes. Or, on observe fréquemment des auto-anticorps anti-IFN-α dans le lupus systémique (5 à 27 % des patients). Jusque-là, leur rôle n'était pas connu : pathogénique, protecteur ou un simple reflet de la tendance générale à l'auto-réactivité.

Autre point d'interrogation : alors que les IFN-1 (IFN-α, IFN-β et/ou IFN-ω) présentent de puissants effets antiviraux, quel est l'impact de ces auto-anticorps capables de les neutraliser lors d'infections virales ? Un effet délétère est suspecté car les auto-anticorps sont retrouvés dans les pneumonies Covid sévères (7 %) et notamment en cas d'admission en soins intensifs (15 %).

Une cohorte de 609 patients

Pour ce travail coordonné par le Dr Alexis Mathian et le Pr Guy Gorochov, les chercheurs ont analysé les données immunologiques et cliniques d'une cohorte de 609 patients suivis pour un lupus systémique à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). L'équipe a étudié l'association entre la présence et le caractère neutralisant d'auto-anticorps anti-IFN-α sériques et la survenue de complications infectieuses ou de poussées évolutives de la maladie.

Des auto-anticorps anti-IFN-α ont été retrouvés chez un peu plus de 10 % des patients atteints de lupus, mais tous ne sont pas capables de neutraliser l'activité antivirale de l'interféron. Les anticorps non neutralisants sont retrouvés chez 8,4 % des patients et les neutralisants chez 3,3 % des patients. Sans surprise, les taux d'IFN-α sériques étaient plus faibles chez les patients porteurs d'anticorps neutralisants. Ces derniers présentent une maladie lupique moins évolutive mais, à l'inverse, la présence de ces auto-anticorps neutralisants est associée à un risque accru de pneumonie Covid-19 sévère ou de zona, en particulier pour les anticorps capables de neutraliser à la fois l'IFN-α et l'IFN-ω.

Pour les auteurs, le dépistage des anticorps anti-IFN-α pourrait être proposé systématiquement, compte tenu de leur fréquence en cas de lupus. Comme l'activité biologique neutralisante est corrélée à la concentration sérique, une simple titration par méthode Elisa pourrait renseigner sur le risque potentiel d'infections virales sévères. Ces résultats invitent les praticiens à redoubler de vigilance quant à la mise à jour de la vaccination anti-Sars-CoV-2 chez les patients ayant des anticorps anti-IFN-α neutralisants. Chez ceux ayant des taux d'anticorps élevés, des traitements préventifs et curatifs doivent être discutés.

A. Mathian et al, Annals of the Rheumatic Diseases, août 2022.  http://dx.doi.org/10.1136/ard-2022-222549

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin