Mésusage : l’affaire de tous

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Publié le 29/04/2022
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Acteurs de la chaîne de soins, institutions, sociétés savantes mais aussi patients et consommateurs sont concernés par le mésusage du médicament, dont le coût pour la société est estimé à plus de 10 milliards par an.
De nombreux patients reconnaissent ne pas respecter les ordonnances

De nombreux patients reconnaissent ne pas respecter les ordonnances
Crédit photo : phanie

« La prévention du mésusage est en enjeu de santé publique qui nous concerne tous », a souligné la Dr Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament. Le non-respect des règles d’usage d’un médicament augmente le risque d’effets indésirables évitables, qui seraient responsables de 16 % des hospitalisations en court séjour, selon une étude de 2018. Le mésusage du médicament, défini dans ce cadre comme l’usage intentionnel à but thérapeutique inapproprié au regard des connaissances scientifiques, concerne plus particulièrement certaines classes thérapeutiques.

Des classes thérapeutiques et des situations à risque

Le paracétamol, substance active la plus vendue en France, est efficace et bien tolérée lorsque son utilisation est conforme à l’autorisation de mise sur le marché, qui définit le périmètre de sécurité du médicament. Mais son usage est banalisé par les patients, qui se tournent vers le dosage le plus élevé dans 68 % des cas (75 % des ventes sur prescriptions). Or, le surdosage en paracétamol est la première cause de greffe hépatique d’origine médicamenteuse.

Le tramadol, antalgique opioïde le plus consommé en France, est le premier antalgique cité sur les usages problématiques, y compris dans la population générale et le premier aussi impliqué dans les décès liés à la prise d’antalgiques.

Les benzodiazépines sont souvent prises sur des périodes plus longues que celles recommandées, alors qu’elles exposent à des risques importants de pharmacodépendance, de chutes et d’accidents, notamment chez les personnes âgées.

Les sujets âgés sont une population chez laquelle le risque de mésusage est élevé. Leur prise en charge est souvent complexe, en raison de pathologies multiples. Une étude réalisée en 2017 au CHU de Rouen, sur 483 patients de plus de 65 ans hospitalisés depuis plus de 3 jours, avait mis en évidence une moyenne de 12 lignes par ordonnance, dont 25 % d’associations déconseillées.

Autre population à risque : les enfants, la France étant le pays où on prescrit le plus de médicaments chez les moins de deux ans. Notamment, les petits patients de notre pays reçoivent respectivement 5 et 20 fois plus de corticoïdes systémiques que les enfants américains et norvégiens.

La grossesse est aussi une période à risque, avec la persistance d’expositions à des substances tératogènes ou fœtoxiques, malgré les mesures de réduction des risques mises en œuvre.

Le mésusage, c’est aussi des comportements à risque, comme l’illustre bien une étude d’opinion réalisée par l’Institut Viavoice à l’été 2021. Quatre personnes sur 10 déclarent ne pas transmettre, lors d’une consultation, la totalité des informations en lien avec leur état de santé. Seules 7 sur 10 déclarent respecter systématiquement les doses prescrites et 6 sur 10 la durée de prescription. Du côté des médecins, un sur cinq déclare prescrire des médicaments à chaque consultation, 6 sur 10 réévaluer leur traitement, systématiquement, ou souvent. Une pratique beaucoup moins fréquente (un médecin sur trois) lorsqu’il s’agit de prescriptions de confrères.

Au sein de la chaîne de soins, les médecins généralistes jouent bien sûr un rôle important, dans la prise de conscience du problème, le repérage des médicaments et des situations à risque et dans la prise de décision, selon un processus structuré et partagé avec le patient.

Exergue : La France étant le pays où on prescrit le plus de médicaments chez les moins de deux ans

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin