Insuffisance rénale aigue sévère : la dialyse peut attendre mais pas trop, selon des réanimateurs français dans « The Lancet »

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Publié le 09/04/2021
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Crédit photo : Phanie

Jusqu'à quel moment peut-on attendre pour mettre en place une dialyse, dans un contexte d'insuffisance rénale aiguë (IRA) sévère en soins intensifs ? L'initiation peut être retardée, mais pas trop, répondent 39 services de réanimation français*, à la lumière des résultats d'un essai randomisé, publiés dans « The Lancet », ce 3 avril.

L'essai AKIKI 1 publié en 2016 par les mêmes équipes, dans le « New England Journal of Medicine » avait déjà montré l'intérêt de retarder la mise en place d'une dialyse. Cela permet d'éviter des procédures inutiles et potentiellement dangereuses chez un nombre important de patients, sans impact sur la mortalité. Une méta-analyse publiée en mai dernier dans « The Lancet » chez plus de 2000 patients le confirmait et plaidait pour que la stratégie d'attente soit considérée comme la prise en charge standard des patients souffrant d’IRA sévère en réanimation. Mais attendre jusqu'à quand ?

Augmentation de la mortalité à J60 dans la stratégie très retardée

Entre le 7 mai 2018 et le 11 octobre 2019, 278 patients ont été inclus dans cet essai mené (et financé) dans le cadre d'un PHRC national. Ils étaient surveillés jusqu'à ce qu'ils présentent une oligurie ou une anurie de plus de 72 heures ou une concentration d'urée dans le sang supérieure à 112 mg/dL.

Puis ils ont été répartis en deux groupes : 137 ont bénéficié de la stratégie retardée avec initiation de la dialyse juste après la randomisation (dans les 12 heures) et 141 de la stratégie très retardée, où la dialyse est différée jusqu'à l'apparition d'une indication obligatoire (hyperkaliémie, acidose métabolique, œdème pulmonaire) ou une concentration d'urée de 140 mg/dL. Le nombre de complications potentiellement liées à une IRA ou à la dialyse était similaire entre les deux groupes.

Des recommandations à revoir

Le résultat principal de l’étude montre que la stratégie « très retardée » ne permet pas de réduire significativement l’exposition des patients à la dialyse, puisque le nombre de jour sans dialyse était de 12 dans la stratégie retardée et de 10 dans la « très retardée ». Une analyse complémentaire suggère même que la stratégie « très retardée » pourrait être à l’origine d’une augmentation de la mortalité à 60 jours (hazard ratio de 1,65).

Les auteurs recommandent donc de ne pas attendre davantage pour mettre sous dialyse un patient présentant une oligurie de plus de 72 heures ou une concentration d'urée dans le sang supérieure à 112 mg/dL. Ce travail devrait nourrir la réflexion pour des recommandations internationales sur la dialyse en réanimation, espèrent-ils, même si les recherches doivent se poursuivre pour en affiner les critères d'indication.

*coordonnées par les services de médecine intensive et réanimation des hôpitaux de l’AP-HP Avicenne (Pr Stéphane Gaudry) et Louis-Mourier (Pr Didier Dreyfuss), de l’Inserm, de Sorbonne Université, d’Université de Paris, de l’Université Sorbonne Paris Nord et du CHU de Dijon (Pr Jean-Pierre Quenot).


Source : lequotidiendumedecin.fr