Prévention des troubles cognitifs

Contrôler la pression artérielle

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Publié le 04/06/2021
Des études épidémiologiques tendent à indiquer que l’hypertension artérielle (HTA) non contrôlée est associée à un risque accru de déclin cognitif et de démence. La démonstration de l’effet bénéfique des antihypertenseurs sur les démences semble confirmer cette corrélation et offre de nouvelles perspectives préventives contre ces pathologies en manque de solutions thérapeutiques…
Un surrisque d’AVC en cas d'abolition ou d'inversion du cycle nycthéméral de la PA

Un surrisque d’AVC en cas d'abolition ou d'inversion du cycle nycthéméral de la PA
Crédit photo : phanie

Dans plusieurs études observationnelles, la durée et la sévérité de l’HTA sont associées à la survenue d’une démence, qu’elle soit d’origine vasculaire ou dégénérative. Quatre grands essais cliniques suggèrent un potentiel effet préventif des antihypertenseurs : SYST-EUR I et II avec une réduction de 55 % du risque de démence, HOPE avec une diminution de 41 % du déclin cognitif après un accident vasculaire cérébral (AVC), et PROGRESS avec une baisse de 19 % du déclin cognitif. 

Dans une revue systématique de 38 essais randomisés et observationnels, sept études longitudinales ont montré un effet bénéfique des antihypertenseurs sur le déclin cognitif. Parmi les 11 études longitudinales évaluant l’impact des antihypertenseurs sur la démence, huit ont montré un effet protecteur significatif (1). Cependant, les experts élaborant les recommandations européennes soulignent le caractère controversé du lien entre HTA et démence. Ils appellent à mettre en place d'autres essais contrôlés randomisés, prenant la cognition comme critère de jugement principal pour confirmer ces résultats.

La labilité tensionnelle en cause

La variabilité tensionnelle, d’une consultation à l’autre ou au cours du nycthémère serait un facteur aggravant des troubles cognitifs. Chez les 3 319 sujets de la cohorte S.AGES, une variabilité plus élevée de la PA systolique (PAS), diastolique (PAD) et de la PA moyenne d’une consultation à l’autre est associée à un déficit cognitif plus marqué, indépendamment de la PAS de base (2). Il semble que les patients ayant une abolition du cycle nycthéméral de la PA (non-dipper), voire une inversion (reverse dipper), aient un surrisque d’AVC. Ils seraient aussi plus exposés à de moins bonnes performances cognitives, et les reverse dipper présenteraient plus d’hyper-intensités de la substance blanche et de microsaignements cérébraux lobaires (3). « Une raison de plus pour rechercher les causes d’un dérèglement du cycle nycthéméral, en particulier un facteur favorisant comme un syndrome d’apnées du sommeil », commente la Pr Béatrice Duly-Bouhanick.

Les mécanismes reliant potentiellement l'HTA et la cognition restent imparfaitement connus. On connaît les lacunes et les microhémorragies associées aux démences vasculaires. L’HTA provoque des lésions au niveau des artérioles, une rigidité de la paroi (4,5), une hyalinose des petits vaisseaux, une augmentation de la leucoaraïose avec une altération de la perfusion cérébrale. Les dépôts amyloïdes seraient augmentés en cas d’HTA. Dans une sous-étude de PROGRESS, la survenue de nouvelles lésions de la substance blanche est significativement ralentie par le traitement antihypertenseur, le bénéfice étant d'autant plus important que ces lésions sont sévères à l'inclusion.  

« Un essai clinique a été entrepris par les équipes toulousaines afin d’évaluer très précocement, chez des hypertendus jeunes, leur état cérébral par IRM et de le comparer à celui de sujets normotendus », détaille la Pr Duly-Bouhanick.

Traiter mais pas trop

L’impact du traitement antihypertenseur sur le déclin cognitif semble encourageant et devrait nous inciter à traiter plus efficacement l’HTA, y compris chez les personnes âgées. Cependant, il ne faut pas négliger l’hypothèse possible et plausible, mise en lumière dans de nombreuses études épidémiologiques, d’une courbe en J dans la relation entre PA et évènements cardiovasculaires. La potentielle iatrogénie des antihypertenseurs chez le sujet âgé, en particulier le risque d’hypotension orthostatique et de chutes, a amené les Sociétés européennes d'hypertension (ESH) et de cardiologie (ESC) à recommander en 2018 de ne pas baisser la PA en dessous de 130 mm Hg. D’autant que l’effet blouse blanche est plus marqué chez les personnes âgées, avec un risque de surtraitement et d’hypotension orthostatique, elle-même associée à un surrisque de démence (6). « Mais le problème actuellement n’est pas tant de surtraiter que de traiter les 50 % d’hypertendus dont la PA n'atteint pas les objectifs tensionnels », insiste la Pr Duly-Bouhanick.

D'après un entretien avec la Pr Béatrice Duly-Bouhanick, CHU de Toulouse
(1) Rouch L et al. Cns drugs 2015 Feb;29(2):113-30  
(2) Rouch L et al. Hypertension 2020;76:1280-8
(3) Paganini-Hill A et al. Front Aging Neurosci. 2019 Apr;17;11:54
(4) Pase MP et al. Intern Med J. 2012 Jul;42(7):808-15
(5) Rouch L et al. Hypertension 2018 Nov;72(5):1109-16
(6) Rouch L et al. Neurology 2020 Oct 6;95(14):e1932-e1940

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr