Épilepsie de l’adulte : la première crise est toujours une urgence

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Publié le 19/05/2023
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Il n’y a pas une mais des épilepsies, avec en plus de nombreux diagnostics différentiels. Alors que dans la maladie chronique, les crises risquent de se répéter spontanément, les crises épileptiques symptomatiques d’une agression cérébrale aiguë peuvent ne jamais se reproduire.

Crédit photo : Phanie

Une première crise d’épilepsie chez l’adulte peut être révélatrice d’une affection nécessitant une prise en charge urgente, tels les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les hémorragies cérébrales, les encéphalites, etc.

Qu’elles soient généralisées ou focales, les premières crises épileptiques requièrent la même recherche étiologique. Les épilepsies focales symptomatiques sont de loin les plus fréquentes chez l’adulte, en relation avec des lésions fixées ou évolutives.

Quant à la prise en charge médicamenteuse de la maladie, elle dépend du risque de récidive, des comorbidités, des caractéristiques du patient (sexe, âge, mode de vie).

Les questions à se poser

1) La crise est-elle de nature épileptique ? Des pertes de connaissances d’origine cardiovasculaire peuvent être confondues : malaises vagaux à type de syncope convulsivante ; troubles du rythme cardiaque ; AVC ischémique transitoire. Mais il n’y a pas de véritable phase post-critique avec confusion et tendance à s’endormir.

2) Si le malaise est bien de nature épileptique, éliminer une cause symptomatique aiguë et évaluer le degré d’urgence (déficit neurologique, fièvre, etc.). Une crise généralisée isolée peut être liée à un trouble métabolique, un sevrage ou une intoxication alcoolique (jusqu’à 48 heures suivant la dernière prise d’alcool), une maladie infectieuse, une pathologie vasculaire (hématome, infarctus, traumatisme crânien). Une crise focale, dont l’expression clinique est fonction de la localisation de la zone épileptogène, peut être d’origine tumorale, liée à une malformation vasculaire ou à une anomalie cérébrale congénitale. Chez le sujet âgé, une prise médicamenteuse multiple peut être à même de favoriser la survenue de crises focales avec confusions post-épisodes prolongées.

3) S’il s’agit d’une épilepsie idiopathique, caractériser le syndrome épileptique. Les épilepsies idiopathiques qui commencent à l’âge adulte sont très rares : des épilepsies myocloniques juvéniles peuvent encore exceptionnellement débuter chez l’adulte jeune. Il n’y a quasiment plus d’épilepsie idiopathique après l’âge de 40 ans.

La base du diagnostic de la crise d’épilepsie est clinique : circonstances d’apparition, manifestations percritiques (coloration du visage, posture, chronologie des signes, durée) et post-critiques. Il est important de relever en détail les antécédents personnels et familiaux, les médicaments en cours, les habitudes de vie et les toxiques éventuels. Le rôle des témoins (coordonnées) est essentiel.

L’examen clinique recherche un déficit neurologique post-critique transitoire (moteur ou sensitif localisé, hémianopsie, aphasie), des signes de localisation, des anomalies cardiovasculaires, une hypoglycémie. Si certains signes sont fortement évocateurs (morsure de langue, confusion post-critique prolongée, posture inhabituelle avec hypertonie), aucun n‘est pathognomonique : le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments.

Ce qu'il faut faire

Chez un adulte, devant un premier malaise suspect d’être de nature épileptique, il faut réagir vite car peu d’épilepsies idiopathiques bénignes commencent à l’âge adulte : l’orientation dans une filière neurologique « première crise » dans les 24 heures ou, à défaut, aux urgences est indispensable.

Le bilan comprend :

- la recherche de prise médicamenteuse abaissant le seuil épileptogène (tricycliques, tramadol), d’un sevrage de benzodiazépines chez le sujet âgé ;

- la recherche d’anomalies métaboliques (glycémie, ionogramme, fonction rénale) ;

- un ECG (éliminer une cause cardiaque, choix d’un antiépileptique) ;

- une IRM, ou à défaut un scanner avec injection ;

- un EEG post-critique immédiat ou intercritique à distance. Il est d’autant plus informatif qu’il est réalisé à proximité de la crise et qu’il est répété. Sa normalité n’exclut toutefois pas le diagnostic si la clinique est évocatrice.

Le traitement ne doit être débuté que lorsque l’épilepsie est certaine mais celui-ci n’est pas systématique devant une première crise isolée, dans un contexte épileptogène identifié et transitoire.

Lorsqu’il s’agit d’un syndrome épileptique avec fort risque de récidives, un traitement est recommandé. Le patient et son entourage sont à informer des précautions à prendre en cas de crise, des règles d’hygiène de vie, des interactions médicamenteuses, des effets indésirables du traitement et des retentissements éventuels (reproduction, contraception, grossesse, accouchement, allaitement). Il est indispensable de donner des renseignements concernant la législation de la conduite automobile et le retentissement professionnel éventuel.

Ce qu'il faut retenir

- Une première crise épileptique nécessite une prise en charge rapide dans une filière neurologique dédiée « première crise ».

- Dix pour cent de la population générale a au moins une crise dans sa vie.

- Neuf fois sur dix chez l’adulte, la crise épileptique est une crise symptomatique aiguë, requérant le traitement de l’affection causale et parfois un traitement anticrise ponctuel, de quelques jours à quelques semaines.

- Une fois sur dix, la crise est inaugurale d’une maladie épileptique chronique qui nécessite un traitement anticrise avec des ajustements personnels et professionnels au long cours.

D’après un entretien avec la Dr Anca Nica, neurologue à la Fondation Rothschild (Paris)

Dr Caroline Martineau

Source : Le Quotidien du médecin