Neurologie

SEP : l'obésité au diagnostic, un facteur de risque de progression du handicap

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Publié le 20/01/2023
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Si l'obésité était un facteur connu de sclérose en plaques, une nouvelle étude montre qu'elle est associée à un risque accru de progression du handicap chez les patients ayant un indice de masse corporelle supérieur ou égal à 30 kg/m² au moment du diagnostic.
Une situation d’obésité au moment du diagnostic entraîne un risque accru de handicap dans un court laps de temps

Une situation d’obésité au moment du diagnostic entraîne un risque accru de handicap dans un court laps de temps
Crédit photo : GARO/PHANIE

Alors que l'obésité est un facteur de risque reconnu de sclérose en plaques (SEP), son effet sur la sévérité de la maladie est peu documenté. Une récente étude parue dans le « Journal of Neurology Neurosurgery & Psychiatry » montre que le fait d'être en situation d'obésité au moment du diagnostic entraîne un risque accru de handicap dans un court laps de temps.

« Il existe déjà des données épidémiologiques qui montrent que l'obésité augmente le risque de développer une SEP. Cette étude montre maintenant l'impact de l'obésité sur la sévérité de la maladie », commente auprès du « Quotidien » le Pr Jérôme de Sèze, neurologue au CHU de Strasbourg. Et c'est tout l'intérêt de cette étude, « bien menée sur le plan méthodologique », estime-t-il : elle identifie un facteur de risque d'aggravation sur lequel il est possible d'agir.

Quelque 1 066 participants nouvellement diagnostiqués ont été inclus dans cette étude de cohorte longitudinale nationale allemande. À l'inclusion, 14,9 % des patients (soit 159) étaient obèses (IMC ≥ 30 kg/m²) et des comorbidités liées à l'obésité (diabète de type 2 et hypertension) ont été rapportées pour 6,4 % des patients (68). Les données de suivi jusqu'à six ans étaient disponibles pour 47,4 % des patients non obèses et 50,9 % des patients obèses.

Un risque doublé d'atteindre le score EDSS 3

L'évolution de la maladie a été évaluée à l'aide du score EDSS, utilisé en routine dans la SEP, allant de 0 pour examen neurologique normal à 10 pour le décès lié à la SEP, deux, quatre et six ans après le diagnostic. Dès l'inclusion, le score était plus élevé chez les patients obèses, un constat déjà connu, souligne le Pr de Sèze.

De plus, chez les patients obèses, le handicap s'est installé plus rapidement que chez les non-obèses : le score EDSS  3 a été atteint au bout d'un temps médian de 0,99 an contre 1,46 an chez les patients non obèses. Et le risque d'atteindre un score EDSS 3 au cours du suivi de six ans était de 35 % versus 14 %, soit un risque multiplié par deux (risque relatif HR = 2,1). L'obésité restait associée à un risque accru d'atteindre un score EDSS 3 à six ans après ajustement sur le sexe, l'âge et le tabagisme (HR = 1,87), et ce quelle que soit la prise en charge thérapeutique.

« Le score EDSS est une échelle peu sensible, qui évolue peu rapidement au cours de la maladie. Donc le fait d'avoir pu montrer une évolution de ce score en peu de temps est intéressant, estime le neurologue. Le score EDSS 3 est souvent considéré comme une limite en dessous de laquelle il est encore possible d'agir. Au-delà, il pourrait être trop tard pour avoir un impact. » Ce score de 3 correspond au début des difficultés physiques, avec un handicap modéré, mais le malade reste totalement ambulatoire.

Une démarche de prévention globale

Les auteurs ont en revanche montré que le fait de présenter une obésité au moment du diagnostic n'était pas associé à un risque accru de taux annuel de rechute, ni à davantage de lésions prenant le contraste à l'IRM, ni à une proportion plus importante de lésions T2 à l'IRM. À noter également que les chercheurs n'ont pas retrouvé de lien significatif entre le surpoids (IMC entre 25 à 29,9) au diagnostic et un risque de handicap accru.

« La SEP est une maladie multifactorielle. Nous savons notamment que des facteurs environnementaux contribuent à la survenue de la maladie et à sa sévérité, indique le Pr de Sèze. De précédentes études avaient montré la même chose pour le tabac : d'abord que le fait de fumer augmentait le risque de développer une SEP et ensuite que cela pouvait entraîner une évolution péjorative de la maladie. »

Le neurologue précise qu'aussi bien pour le tabagisme que l'obésité, le risque relatif est faible. « Mais l'intérêt, c'est qu'il s'agit de facteurs de risque sur lequel on peut avoir un impact », insiste-t-il.

Si les résultats de l'étude ne démontrent pas à proprement parler que le fait d'agir sur l'obésité permettrait d'améliorer l'évolution clinique chez ces patients, le neurologue estime néanmoins que ce bénéfice est « probable ». « Cela vient s'inscrire dans une démarche qui est assez globale de prévention de santé qui ne s'arrête pas à la SEP », estime-t-il, ajoutant que les patients « nous demandent beaucoup ce qu'ils peuvent changer dans leur quotidien ». « Le fait d'avoir des études solides et robustes appuie notre discours pour les accompagner », considère-t-il.

I. Lutfullin et al, J Neurol Neurosurg Psychiatry, 2022. doi: 10.1136/jnnp-2022-329685

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin