L'obésité progresse plus vite dans les zones rurales

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Publié le 09/05/2019
Obésité

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Crédit photo : Phanie

L'urbanisation a longtemps été considérée comme responsable de l'explosion de l'obésité dans le monde. Mais les choses ont changé au cours des trois dernières décennies. Des scientifiques de 200 pays, - la NCD Risk Factor Collaboration -, montrent dans « Nature » que la progression de l'obésité à l'échelle planétaire repose aujourd'hui en grande partie sur un phénomène rural plutôt qu'urbain.

Plus de 55 % de l'augmentation mondiale de l'indice de masse corporelle (IMC) moyen entre 1985 et 2017 a lieu dans les zones rurales, révèle cette analyse sur plus de 2000 études totalisant 112 millions d'individus. Le phénomène est encore plus marqué dans les pays en développement où la campagne concentre 80 % de la montée du surpoids.

Les campagnes rattrapent voire dépassent les villes

Aujourd'hui, la campagne est en train de rattraper les villes pour l'obésité, voire de les dépasser, en particulier dans les pays développés. Ce nouveau constat appelle « à revoir la façon de s'attaquer à ce problème sanitaire mondial », estime le Pr Majid Ezzati, de l'école de santé publique de l'Imperial College London et auteur sénior.

Au cours des trois dernières décennies, l'IMC a augmenté de 2 points soit l'équivalent de 5 à 6 kg supplémentaires par personne, - précisément 2,0 kg/m2 chez les femmes et 2,2 kg/m2 chez les hommes.

En zones rurales, l'IMC moyen a augmenté de 2,1 kg/m2 dans les deux sexes par rapport à 1,3 kg/m2 et 1,6 kg/m2 dans les villes, respectivement chez les femmes et les hommes.

Davantage d'activité physique en ville

L'étude britannique révèle des disparités entre pays à revenu élevé et pays à revenu moyen ou faible. Dans les pays développés, l'IMC à la campagne est constamment supérieur, notamment chez les femmes. Pour les auteurs, cette situation s'explique par « un désavantage rural économique et social grandissant », est-il indiqué. Ce handicap porte à la fois sur des revenus et un niveau d'éducation plus faibles, un accès plus difficile à des produits frais de qualité et bon marché et une moindre activité physique.

Dans les villes, la marche et le vélo sont encouragés, ainsi que les transports en commun et les activités de loisirs. « Les discussions de santé publique ont tendance à mettre davantage l'accent sur les aspects négatifs de vivre en ville, commente Majid Ezzati. En réalité, les villes offrent une quantité d'opportunités pour une meilleure alimentation, les sports et les loisirs ».

Ne pas remplacer la sous-nutrition par de la malnutrition

Dans le même temps à la campagne, la modernisation des infrastructures la mécanisation de l'agriculture et l'utilisation croissante de la voiture tendent à faire baisser la dépense énergétique. Seule exception dans la tendance de fond, la région d'Afrique subsaharienne, où les femmes prennent plus de poids en ville.

Pour les auteurs, ce constat amène à revoir en urgence la politique de santé, afin de ne pas remplacer « le désavantage de sous-nutrition rurale dans les pays pauvres par un désavantage plus général de malnutrition qui entraîne la consommation excessive de calories de basse qualité », alertent-ils.

Afin d'accompagner la transition pour qu'elle soit la plus saine possible, les scientifiques appellent à élargir l'aide internationale au-delà de la faim dans le monde et à promouvoir une alimentation plus saine dans les zones pauvres urbaines et rurales.

Dans un éditorial, Barry Popkin de l'université de Caroline du Nord incite à propager les mesures volontaristes mises en place au Chili et au Mexique, « pour avoir un réel impact sur le comportement individuel », estime-t-il. Cela passe par un contrôle renforcé des produits commercialisés, des programmes éducatifs à l'école et l'affichage de scores nutritionnels sur les aliments ultra-transformés, comme au Chili, ou encore la taxation des aliments et boissons les plus mauvais sur le plan nutritionnel, comme au Mexique.


Source : lequotidiendumedecin.fr