Une commercialisation très attendue

La révolution thérapeutique dans la mucoviscidose

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Publié le 03/12/2021
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La trithérapie commercialisée cet été en France permet d’améliorer de façon spectaculaire les patients atteints de mucoviscidose âgés de plus de 12 ans, ayant au moins une mutation delta F508. Les recherches se poursuivent pour les autres mutations.

L’espérance de vie des patients a connu un allongement considérable

L’espérance de vie des patients a connu un allongement considérable
Crédit photo : phanie

La mucoviscidose peut être causée par diverses mutations du gène codant pour la protéine CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator). Sa prise en charge a fait d’énormes progrès ces dernières années. Les thérapies protéiques qui agissent sur la protéine CFTR sont de plus en plus nombreuses avec, notamment, des associations de principes actifs potentiateurs, qui améliorent son fonctionnement, et des correcteurs, qui réduisent sa dégradation et donc augmentent sa quantité.

Une efficacité très rapide

Presque un an après son AMM Européenne, la première trithérapie (Kaftrio, Vertex Pharmaceuticals) a été remboursée cet été en France chez les patients de plus de 12 ans, ayant au moins une mutation delta F508 du gène CFTR. Soit de 80 à 85 % des patients éligibles à ce nouveau traitement.

Kaftrio contient une molécule qui améliore l’activité de la protéine CFTR défectueuse (ivacaftor) associée à deux (tezacaftor et elexacaftor) qui augmentent le nombre de protéines CFTR à la surface des cellules. La posologie est de deux comprimés le matin et un le soir. « L’amélioration de l’état des patients est spectaculaire et très rapide. Dès les premières heures, les sécrétions bronchiques qui obstruent les bronches et limitent la respiration sont éliminées. Les patients crachent beaucoup pendant 48 heures mais respirent à nouveau. Ils disent sentir leurs poumons se libérer, explique la Pr Isabelle Sermet-Gaudelus (Hôpital Necker Enfants Malades, Paris). Dès 24 à 48 heures, on constate une amélioration de la fonction respiratoire parfois allant jusqu’à 30 % et une normalisation du test de la sueur. L’efficacité est très nette sur les sécrétions bronchiques, mais aussi sur les sécrétions vaginales et possiblement sur les sécrétions pancréatiques, avec une amélioration du diabète et une diminution du besoin d’insuline. »

Des effets indésirables d’ordre hépatique peuvent apparaître mais, aux États-Unis où le traitement est autorisé depuis un an, il n’y a pas été noté d’évènements majeurs nécessitant un arrêt du traitement. Enfin, d’autres mutations seraient susceptibles de répondre à cette trithérapie, selon les résultats d’études de cellules prélevées chez les patients.

Bientôt chez les jeunes enfants ?

« Cette trithérapie est une avancée importante. Certains patients ont pu être retirés de la liste d’attente de transplantation pulmonaire tellement ils étaient améliorés », souligne la pneumo-pédiatre. Alors qu’elle vient d’être autorisée aux États-Unis à partir de 6 ans, en France, son élargissement en deçà de 12 ans est attendu. « L’idée est de ralentir l’évolution de la maladie, voire de la stopper, en débutant le traitement le plus tôt possible et, pourquoi pas, dès le diagnostic de mucoviscidose à la naissance. On pourrait ainsi empêcher l’expression de la maladie — au prix cependant d’un traitement chronique, dont on ne connaît pas encore les effets au long cours », note la Pr Sermet-Gaudelus.

Actuellement, les enfants à partir de 2 ans, homozygotes pour la mutation F508 del du gène CFTR (environ 700 en France) peuvent bénéficier de l’association ivacaftor et lumacaftor (Orkambi). Une grande étude de cohorte française est en cours afin d’en évaluer les bénéfices dans la vraie vie. « Chez les enfants très jeunes, la fonction pulmonaire n’est pas encore atteinte et il faut alors évaluer le traitement par l’imagerie (scanner), explique la Pr Sermet-Gaudelus. Par ailleurs, le traitement par Orkambi des patients âgés de plus de 12 ans est en train d’être changé pour Kaftrio ; nous allons donc pouvoir évaluer le bénéfice de l’ajout d’une troisième molécule. »

Les progrès thérapeutiques devraient encore améliorer le pronostic de la maladie dans les prochaines années. De nombreuses études portent aussi, désormais, sur la qualité de vie de patients qui voient leur espérance de vie augmentée au-delà de 35 ans.

Exergue : Les patients disent sentir leurs poumons se libérer, certains ont pu être retirés de la liste d’attente de transplantation

Entretien avec la Pr Isabelle Sermet-Gaudelus, Hôpital Necker Enfants Malades, Paris

Dr Christine Fallet

Source : lequotidiendumedecin.fr