Embolie pulmonaire : la clinique avant tout

Publié le 04/10/2017
embolie

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Crédit photo : PHANIE

À partir de bases de données hospitalières, l'évolution épidémiologique de l'embolie pulmonaire a été retracée en Angleterre, entre 1998 et 2015 (Stephen Wort et al). 464 046 patients ont été hospitalisés avec ce diagnostic pendant cette période. L'incidence de l'embolie pulmonaire a plus que doublé, passant de 50,2/100 000 habitants/an en 1998, à 97,8/100 000 habitants/an en 2014. La mortalité globale à un mois du diagnostic d'embolie pulmonaire était de 15 %, et diminuait significativement sur la période de l'étude. De façon intéressante, l'incidence des complications hémorragiques augmentait sur la même période. Ces résultats sont vraisemblablement expliqués par l'utilisation croissante de l'angioscanner thoracique, qui permet de visualiser probablement beaucoup plus d'embolies pulmonaires. Quant à l'augmentation des complications hémorragiques enregistrées dans cette étude, même s'il s'agit d'analyses globales de bases de données, elle doit rappeler au praticien la nécessité d'évaluer cliniquement les signes évocateurs d'embolie pulmonaire… ainsi que le risque hémorragique !

Prudence chez les malades très dilatés

Une seconde étude, présentée par Benoît Côté, s'est intéressée à l'impact pronostique de la dilatation du ventricule droit chez des malades avec une embolie pulmonaire à faible risque de complication. Les données de trois cohortes prospectives ont été regroupées. Les malades avec un score PESI simplifié égal à 0 (âge < 80 ans, absence d'insuffisance cardiorespiratoire ou de cancer, pouls < 110/min, pression artérielle systolique > 100 mmHg et SaO2 > 90 %) ont été inclus. Le rapport VD/VG était mesuré sur les angioscanners. 780 patients ont été inclus, et une dilatation du ventricule droit (VD/VG ≥ 0,9) était retrouvée chez 420 d'entre eux (54 %).

À 30 jours, une complication majeure, définie par un décès quelle que soit la cause, un état choc ou une récidive d'embolie pulmonaire, était survenue chez 6 patients (0,8 %). Il n'existait pas de différence concernant la survenue d'une complication à un mois, chez les patients avec ou sans dilatation du ventricule droit. Toutefois, le taux de complications était significativement plus important chez les malades qui avaient un ventricule droit très dilaté (VD/VG > 1,1). Les résultats de cette étude suggèrent que la dilatation du ventricule droit mesuré au scanner est relativement fréquente chez les malades à faible risque de complication mais que cette dilatation ventriculaire droite n'a pas d'impact pronostique évident. Néanmoins, il convient probablement d'être prudent les malades ayant le ventricule droit très dilaté (VD/VG >1,1) et de réaliser une échocardiographie avant de discuter une éventuelle prise en charge en ambulatoire.

Rechercher la dyspnée d’effort au décours de l’embolie

Enfin, une troisième communication, présentée par Patrick Flood Page s'est intéressée à la fréquence de la dyspnée d'effort au décours d'un épisode d'embolie pulmonaire anatomiquement proximale. 127 malades ont été suivis. Parmi eux, 49 patients (48,5 %) rapportaient une limitation à l'effort plus importante qu'avant l'épisode d'embolie pulmonaire. Cette proportion augmentait à près de 75 % lorsqu'il y avait en plus une dilatation ventriculaire droite sur l'angioscanner. Parmi eux, 5 patients gardaient des séquelles d'embolie pulmonaire ou une hypertension pulmonaire post-embolique. Ces données soulignent l'importance de rechercher par l'interrogatoire une dyspnée d'effort au décours d'une embolie pulmonaire et d'en rechercher les causes possibles par les examens appropriés (radiographie thoracique, EFR, échocardiographie, scintigraphie pulmonaire...).

Hôpital Georges Pompidou, APHP (Paris)

Olivier Sanchez

Source : lequotidiendumedecin.fr