Pneumopathie communautaire

La lémafuline, un nouvel antibiotique au mécanisme original

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Publié le 20/11/2019

Après 15 ans sans grande nouveauté, un nouvel antibiotique au mécanisme original, la lémafuline, fait ses preuves dans la pneumopathie communautaire de l'adulte dans un second essai de phase III. Avec à la clé un agrément par la Food and Drug Administration.

Crédit photo : Phanie

Les pneumopathies communautaires restent responsables d'une morbimortalité importante. Et la progression des résistances bactériennes pose problème. L'arrivée d'un nouvel antibiotique procédant d'un mécanisme d'action différent était donc très attendue. C'est chose faite. Dans les pneumopathies communautaires de l'adulte, la lémafuline, un antibiotique de la classe des pleuromutilines, s'est montrée aussi active que la moxifloxacine dans deux essais de non-infériorité avec une bonne tolérance.

Bonne activité par voie orale en traitement de cinq jours

L'essai LEAP-2 est un essai multicentrique - 99 centres, 19 pays - testant la lémafuline VO versus la moxifloxacine dans les pneumopathies communautaires de l'adulte. Il s'agit de pneumopathies à risque (Score de Fine ou PORT score II-III-IV) radiologiquement documentées traitées à la phase aiguë en présence d'au moins trois symptômes caractéristiques (dyspnée, toux, expectorations purulentes, douleurs poitrinaires) et au moins deux signes vitaux modifiés.

Au total après stratification sur le score de Fine, plus de 700 patients d'âge moyen 57 ans dont la moitié avec un score de Fine III-IV ont été randomisés. Ils ont reçu la lémafuline VO (600 mg/X2 j - toutes les 12 h) durant 5 jours ou la moxifloxacine VO (400 mg/j) durant 7 jours.

Le critère primaire est la réponse précoce à 96 h. Les répondeurs étant définis cliniquement par l'amélioration d'au moins deux symptômes typiques et détérioration d'aucun symptôme (ni mise en route d'un autre antibiotique).

Le succès clinique en fin de traitement à 5-10 jours, défini par la guérison sans nécessité d'ajouter un autre antibiotique, a aussi été évalué.

Résultat dans cet essai lémafuline et moxifloxacine font jeu égal avec : – 91 vs 91 % de réponses précoces et, – 87,5 vs 89,1 succès cliniques. On est en deçà de la marge de non-infériorité. LEAP-2 vient donc confirmer les résultats de la première étude, LEAP-1 menée avec la forme IV de lémafuline déjà comparée à la moxifloxacine+/linezolide (si suspicion de staphylocoque doré) [2]. Ce qui a amené la FA à donner son feu vert (3).

Les effets indésirables observés sous lémafuline sont dominés par les effets intestinaux (18 %) dont diarrhées (11 %) nausées (5 %) et vomissements (3 % dont 2 ayant conduit à un arrêt de traitement). Il y a eu peu d'évènements hépatobiliaires (1 %) et cardiaques (2 % mais un arrêt pour allongement modéré du QT).

Mécanisme d'action original et spectre large

La lémafuline fait partie des pleuromutilines, une classe connue depuis les années 1950 mais jusqu'ici jamais utilisée de manière systémique. « Son mode d'action repose sur l'inhibition de la synthèse protéique bactérienne, une activité médiée par une liaison sur la fraction 50 S des ribosomes bactériens venant induire le blocage de la translocation/lecture de l'ARN. Son activité n'est donc pas affectée par les mécanismes de résistance aux bêtalactames, aux macrolides, aux fluoroquinolones, aux tétracyclines ou aux glycopeptides » (4). Ce qui représente un important avantage.

En terme de spectre antibactérien, « la lémafuline est active sur les bactéries typiquement associées aux pneumopathies communautaires : Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Mycoplasma pneumoniae, Legionella pneumophila et Chlamydophila pneumoniae. La molécule est en outre active sur les bactéries gram-plus dont le Staphylococcus aureus methicilline-résistant, vancomycine-intermediaire et l'Enterococcus faecium vancomycine-resistant. Elle exerce enfin une certaine activité sur les Neisseria gonorrhoeae multirésistantes et les Mycoplasma genitalium »(4).

Un spectre de quinolone mais plus cher

« C'est un nouvel antibiotique néanmoins son spectre est très semblable à celui des fluoroquinolones. Et le prix risque de freiner son utilisation. Dans un communiqué de presse le prix d'un jour de traitement VO avancé par le fabricant est de 275 dollars… Soit plusieurs fois le prix de la moxifloxacine ou de la lévofloxacine », commente P Malani (Université du Michigan, États-Unis) dans son éditorial (5). « Et il faudra surveiller sa tolérance dans des études post-marketings ».

 


Source : lequotidiendumedecin.fr